Alors nous voilà de nouveau ensemble. Nous sommes le trente-et-un octobre deux mille vingt trois et nous fêtons nos septs mois. Comme si de rien n'était. Ou plutôt, comme deux enfants ayant retenu la leçon. Nous espérons apprendre de nos erreurs.
Comme tous les mois, je t'offre des roses rouges. Sept pour aujourd'hui, six le précédent, cinq celui d'avant, et ainsi de suite. Je te raccompagne chez tes parents et tu me demandes quand est-ce que nous dormirons de nouveau ensemble. Je te réponds que je ne sais pas, qu'il faut y aller en douceur. Tu me comprends et ne me force pas. Heureusement. Nous montons les marches tournoyantes et sur ce palier, nous nous embrassons. Je sens le frais du baume Carmex que je t'ai offert plusieurs semaines auparavant. Celui à la cerise que tu aimes tant. Moi je ne l'aime pas. Mais je t'aime toi.
Puis on se regarde pour la dernière fois - sans le savoir - et sans se parler, nous sourions bêtement. Je m'approche de toi et te prends dans mes bras. Je te serre fort contre moi et là tout sonne comme un dernier au revoir.
Je te regarde ouvrir la porte et je m'éloigne doucement, j'ouvre la cage d'escalier et je tourne ma tête une dernière fois. Tu fais de même. Un « Je t'aime » automatique sort de ma bouche sans que je n'aie le temps de réfléchir et tu me rends la pareille. Sans le vouloir, je t'ai menti en te disant « À demain ».
Comme vous l'aurez compris, c'est la dernière fois que nous nous sommes vues elle et moi. Peut être que nous avions besoin d'une dernière fois douce et insouciante, des au revoir calmes et rassurants.
Alors je suis rentrée à l'appartement de mes parents le sourire aux lèvres. Ce même sourire niais qui s'affichait il y a sept mois jour pour jour. Je gare ma voiture et appuie sur le bouton de la fermeture centralisée puis je marche quelques minutes dans le noir, jusqu'à la porte d'entrée. Tout est silencieux, comme dans ma tête. Mes parents sont déjà à table et je les rejoins. Je leur explique que j'ai décidé de te donner une dernière chance, que nous avons compris ce qui n'a pas fonctionné la première fois et que nous allons faire mieux la seconde. Ils me regardent d'un air dubitatif, presque méfiant. À la limite du scepticisme.
Je leur demande de faire un effort pour t'accueillir chez eux une après midi et faire en sorte que tout se passe pour le mieux mais ils me répondent qu'ils ne veulent pas de toi chez eux et qu'il va leur faut du temps, qu'il faut les comprendre. Je les comprends mais je sais que toi tu ne le pourra pas.
Je croule sous le désespoir, je pensais avoir trouvé la sortie tant attendue du labyrinthe mais me voila de nouveau dans une impasse. Je pleure à chaudes larmes et je me réfugie dans ma chambre, pleine de pensées moroses et ma batterie sociale à plat. Je veux être seule, me poser les bonnes questions et que l'on m'apporte les bonnes réponses.
Demain matin je vais accompagner ma sœur à son échographie, j'ai tellement hâte de passer ce moment avec elle.
Mais comment te dire que mes parents ne veulent pas de toi chez eux ? Comment tourner ça de façon à ne pas te contrarier ou te vexer ? La vérité c'est qu'il n'y a pas de façon de dire à sa petite amie que ses beaux-parents la renient. Alors je t'appelle et je transforme un peu la vérité, je te dis qu'il leur faut de temps à eux aussi, tu me réponds qu'ils en ont eu assez du temps. Je ne sais plus quoi faire. Alors je te demande si ça te plairait de venir avec nous à l'échographie et en entendant cette proposition, tu en es aux anges. Nous raccrochons rapidement car tu dois aller manger.
J'enfile mon pyjama bleu marine et je prends mes médicaments. J'essaie de dormir mais mon cerveau est en ébullition, mon cœur bat à tout rompre. Je n'en peu de nouveau plus, j'aimerai que tout s'arrête. Je ne veux plus avoir à réfléchir ni à temporiser les situations. Je ne veux plus avoir à faire plaisir à tout le monde quitte à me perdre. Je ne veux plus.
J'étais amoureuse, j'étais pleine de vie, j'étais sous emprise, j'étais victime. J'étais.
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Et pourtant
RomanceEloïse n'a que vingt ans lorsqu'elle s'enferme sans s'en rendre compte dans une relation toxique avec une perverse narcissique. Progressivement elle dépersonnalise et se laisse mourir car elle ne supporte plus les violences. Cette relation fini par...