« On est tous les méchants de l'histoire de quelqu'un » ai-je dis à ma psychologue en lui contant le récit de ces derniers mois. Je me rends quotidiennement dans le cabinet de cette jeune femme charismatique et respectable. Une femme ampathique et soucieuse de ses patients. Une femme à laquelle j'aimerai ressembler. Quelqu'un de digne et de dévouée. Je trouve ma place dans ce cabinet. Une place à laquelle je trouve confortable de pleurer, d'aimer, de me lamenter. Cependant, je n'arrête pas de m'y décrédibiliser. Je parle de ma famille, de mes amies, de toi. Je lui conte comme c'était beau nous deux. Elle seule peut l'entendre. Mes proches eux, ne ressentent que de la haine envers toi. Au moins là-bas je ne me sens pas coupable de t'avoir aimé, d'avoir cru en toi, d'avoir cru en nous.Lors d'un de nos échanges, mon corps est là mais mon esprit est ailleurs. Il divague et je le laisse aller là où il doit m'emmener. Cette fois-ci il m'emmène loin, très loin, au mois de juin.
Aucune dispute ni aucun emportement n'a eu lieu. Nous étions en symbiose du réveil au couché. Nous avons été les esclaves de nos pulsions et nous avons ri puis joui. Nous étions tellement sous tension les jours précédents que nous n'avons même pas pris le temps de faire le lit. Nous avons juste voulu partager un moment intime et puissant. Alors nous nous sommes déshabillées jusqu'à ne plus rien avoir. Nos peaux nues sur le sol, nous avons fait l'amour jusqu'à n'en plus pouvoir. Nos corps transpiraient et nos regards se foudroyaient. Nos muscles tétanisaient et le sol en collait.
Il est de ces moment dont on voudrait qu'ils durent pour toujours. De ces moment que l'on ne voudrait pas mettre sur pause mais simplement les rallonger pour mieux en profiter. Il est de ces moments ou je te pardonnais tout ce que tu me faisais. Je m'en fichais de ce qu'il adviendrait. J'étais avec toi et je t'aimais, c'est tout ce qui comptait.
Je me demande si je voudrais te revoir un jour. Peut être qu'une discussion entre deux femmes civilisées me serait bénéfique. Peut être que j'aimerai savoir si tu regrettes tout ce que tu m'as fait. Si tu en a au moins pris conscience. Seulement, j'ai peur chaque seconde que Dieu fait d'avoir encore des sentiments pour toi, de ne pas être suffisamment sevrée de tout ce que je ressentais.
Ma psychologue ne me juge pas quand je lui dis de ne plus avoir goût à rien. Elle me compare souvent à ma sœur. Elle me dit qu'il y a des personnes qui se dirigent naturellement vers la vie et d'autres qui ont tout simplement plus de mal à en trouver de chemin.
Elle ne me juge pas quand je lui confesse mon envie de me remplir puis de me faire vomir. Elle ne me juge pas non plus quand je lui dis aimer la vue de mon sang, quand je lui dis me punir pour tout ce que je ressens.
Vous me direz que c'est normal de réagir comme ça en tant que psychologue mais je ne pense pas que ça soit donné à tous les praticiens d'être aussi empathiques.
Je lui explique mes rêves et mes pulsions suicidaires. Elle comprends quand je lui dis ne plus en pouvoir d'entendre les voix dans ma têtes qui me disent de me tuer. Elle me tend souvent un mouchoir en me disant de continuer. Elle ne compte pas ses heures. Elle reste auprès de moi tant que j'en ai besoin.
J'attends chaque rendez-vous avec impatience. Ils ponctuent ma semaine et me permettent de survivre à la suivante. Savez-vous comment on appelle les psychologues ? On les appelle des amis payants. Plutôt ironique n'est-ce pas ? Quel est le prix d'une santé mentale ? Quel est le prix de la mienne ? Et surtout, pourquoi ne pouvons-nous pas en acheter une neuve en magasin ?
J'aimerais acheter des canettes de bonheur, distiller ma tristesse pour la revendre à ceux qui en ont besoin. Car on parle ici d'excès de tristesse mais pouvons-nous également parler d'excès de joie ? Est-ce que cela existe au moins ? J'aimerais tenter, juste pour l'expérience. Est-ce que certaines personnes paieraient pour de la tristesse comme je paierais pour des moments de bonheur ?
Soyons honnêtes, l'un ne va pas sans l'autre, mais si vous pouviez faire en sorte que le manège de votre vie soit moins dangereux, qu'il vous offre moins de sensations, préféreriez vous que votre vie soit des montagnes russes ou plutôt un palais des glaces ?
Je ne pense pas que les montagnes russes soient si dérangeantes dans le fond. Je pense que ce qui nous effraye sont les sensations qu'elles nous font ressentir. Je pense que si nous ressentions le vent avec moins d'intensité, si notre cœur arrêtait de s'emballer ; les montagnes russes seraient plus confortables. Certaines personnes s'amusent dans celles-ci, ils aiment cette adrénaline qu'elles procurent. Moi je ne n'aime ni les montagnes russes, ni l'adrénaline qu'elles nous font ressentir.
Je ressens tout plus fort que les autres. Le vent au contact de mon visage est comme une lame de rasoir. La vitesse est comme un fouet qui me laisse de vilaines traces. Les lumières de la ville sont comme des flashs qui surgissent par surprise. Le bruit des wagons sur les rails sont comme des cris stridents qui abîment mes tympans.
Si je devais utiliser un manège pour décrire ma vie, ça serait un mélange de tous les manèges existants. Parfois j'ai l'impression d'être dans un palais du rire où tout me paraît amusant et la seconde d'après il s'agit d'un train fantôme. Mes démons débarquent et mes peurs me jouent des tours. Ensuite les miroirs du palais des glaces me rappellent à quel point j'ai une vision déformée de moi-même et enfin les voix dans ma tête résonnent comme celles des forains dans ces grands espaces. Pour finir je dirais que les montagnes russes décrivent mes angoisses et la façon dont ma vie est surprenante. Elles me rappellent qu'à chaque instant nous pouvons passer du sommet à la terre ferme.
Peut être qu'aimer la vie c'est avoir trouver son manège favoris. Et au contraire, ne plus en vouloir serait comme si quelqu'un ne trouvait pas l'attraction qui l'amuse, la personne avec qui faire les auto-tamponneuses ou encore la sucrerie qui lui donne l'énergie.
Je suis ce type de personne qui n'en peux plus de la vie. Qui en a marre de tester toutes les attractions possibles et imaginables. Je veux rentrer chez moi, la fête est finie.
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Et pourtant
RomanceEloïse n'a que vingt ans lorsqu'elle s'enferme sans s'en rendre compte dans une relation toxique avec une perverse narcissique. Progressivement elle dépersonnalise et se laisse mourir car elle ne supporte plus les violences. Cette relation fini par...