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Hayleen, 18 ans

— Bah alors Frankenstein ? Tu vas te mettre à pleurer ?

J'incline la tête sur le côté, et toise Rebecca, la blonde pulpeuse qui cherche à me pousser à bout depuis dix bonnes minutes.

— J'ai l'air d'avoir envie de pleurer, là ? rétorqué-je. Tire-toi de devant mon casier, je dois aller en cours. Ce n'est pas parce que tu tends les bras à l'échec scolaire que c'est le cas de tout le monde, chérie.

Son groupe de copines se moque ouvertement, alors qu'elle me dévisage avec dégoût et méchanceté. Je plonge mon regard dans le sien, ce qui la déstabilise aussitôt.

Mes iris sont particuliers, on me l'a assez souvent reproché pour que je m'en souvienne. Les gens les trouvent laids, effrayants. Moi je les trouve parfaits tels qu'ils sont, leur singularité fait ma fierté. Et on pourra me menacer autant qu'on veut, jamais je n'abandonnerai cette idée.

J'ai une hétérochromie. Mon œil gauche est d'un bleu si pâle qu'on le croirait presque blanc, tandis que le droit est ambré, d'une teinte mielleuse aux reflets dorés. J'ai hérité d'une prunelle de ma mère et l'autre de mon père.

En réalité, je sais très bien que ce n'est pas comme ça que ça marche. C'est dû à un manque de mélanine dans l'un des deux yeux. Mais j'ai toujours apprécier interpréter les choses de cette manière.

— Arrête de me regarder avec tes yeux, là.

Un sourire mauvais se faufile sur mon visage.

— Et tu voudrais que je te regarde avec quoi ? Avec mon cul ? Jusqu'à preuve du contraire, les yeux c'est fait pour regarder.

— Mais les tiens sont laids, tu devrais porter des lentilles. Ou encore mieux, te les crever. Tu n'es qu'un monstre, Frankenstein.

Mon rictus s'affaisse tandis que je contracte ma mâchoire. J'effectue un pas en avant, Rebecca finit acculée contre mon casier. Je plonge à nouveau mon regard dans le sien.

— Ils sont laids ? Ou tu as juste la trouille ? T'as peur de me regarder en face à cause de ma différence. Mais je n'en ai plus rien à foutre de l'avis des gens, et ça depuis bien longtemps. Alors si mon hétérochromie te dérange, baisse les yeux quand tu me vois.

Grand silence dans le couloir, durant lequel je vois la blonde froncer les sourcils. Elle tente visiblement de faire se connecter ses trois neurones pour comprendre le sens du mot « hétérochromie » .

Ma rage retombe aussitôt face à tant de débilité. Exaspérée, je lève les yeux au ciel en la bousculant pour dégager l'accès à mon casier. Mais au moment où j'ouvre la porte de ce dernier, elle se referme aussi sec dans un claquement qui résonne dans le corridor presque vide, à l'exception de Rebecca et de son groupe d'affreuses copines, avec lequel elle partage trois neurones communs.

Je détaille la silhouette qui vient de manquer de m'arracher la moitié de la main, et ma vision s'assombrit quand je reconnais son propriétaire.

— Ce n'est pas une façon de s'adresser aux filles, Hay...

Un frisson se faufile le long de ma colonne vertébrale à la simple entente de sa voix agaçante. Je contracte ma mâchoire et serre les poings quand je constate son insupportable air moqueur.

— Tire-toi, Reed. Et arrête de m'appeler comme ça. Mon nom c'est Hayleen.

Il s'incline pour emprisonner mon menton entre ses doigts. Son souffle caresse mes joues, qui se réchauffent malgré moi. Je le gratifie d'un regard haineux, tandis que Rebecca et son groupe s'offusquent d'une telle proximité.

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant