- XI -

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Hayleen

— Vas-y, donne-moi le couteau Lily !

— Tiens Kenny, découpe-la bien ! s'exclame Lily. Faut que ça fasse une grosse cicatrice ! Comme le monstre de Frankenstein ! On va lui en faire plein partout !

Mes deux camarades de famille d'accueil s'avancent vers moi en rigolant, Kenny a un grand couteau de cuisine dans la main, et Lily a attrapé la paire de ciseaux sur le plan de travail. J'écarquille les yeux, terrifiée. Mon cœur menace de s'arrêter à tout moment, mon visage est inondé de larmes, et mon estomac remonte dans ma gorge au point de me donner de violentes nausées. Je suis acculée contre le mur du couloir, je n'ai aucune échappatoire. Je me sens prise au piège, à l'instar d'un animal cerné par les chasseurs. Je sais qu'ils veulent ma peau, et je sais que je ne peux rien contre eux.

— Laissez-moi tranquille... murmuré-je d'une voix à peine audible. Je n'y suis pour rien, je n'ai pas choisi...

— T'as un regard dégueulasse, Frankenstein ! Ce n'est pas juste que le reste soit si impeccable ! On va t'assortir à tes yeux, tu verras !

— Ah, ah ! « Frankenstein » ! Bien trouvé, Kenny ! ricane Lily de sa voix stridente. Ça lui va bien !

— Quitte à fabriquer un monstre, tes parents auraient pu prendre la même couleur pour les deux yeux ! renchérit Kenny. T'iras te plaindre à eux ! C'est leur faute, si tu te fais harceler !

Il prend soudain un air faussement désolé.

— Oh bah non, reprend-il avec un sourire mauvais. Tu ne peux pas, puisque ton père ne veut pas de toi, et ta mère a préféré crever !

Les gouttes salées dévalent mes joues et embuent ma vision, tandis que mes sanglots résonnent dans la maison vide. Je n'ai pas besoin qu'il me le dise pour savoir que je n'ai plus de parents. Ses moqueries approfondissent la crevasse que leur absence a laissée. Une douleur sourde s'empare de mon cœur, et mes pleurs redoublent en intensité.

— Je n'y suis pour rien... répété-je entre deux hoquets. Ce n'est pas ma faute, pourquoi vous faites ça ? Laissez-moi, je n'y suis pour rien... Je n'ai pas choisi d'être comme ça...

— Allez arrête de bouger, ce serait dommage que tu meures, Frankenstein.

Lily attrape ma crinière, puis tire dessus avec brutalité pour me forcer à m'allonger sur le carrelage froid du couloir. À ce moment-là, je me jure de ne plus jamais avoir les cheveux longs. La dalle gelée contre mon corps tremblant représente un violent contraste avec la chaleur de mes larmes et de ma peine.

— Arrêtez ! pleuré-je en gesticulant pendant que Kenny remonte mon t-shirt sur mon ventre. Je ne vous ai rien fait ! ARRÊTEZ !

— Ta seule existence suffit, sale monstre ! crache-t-il avec un mépris palpable. T'es dégueulasse ! Tes sales yeux ne suffisent pas pour que tu te retiennes de montrer ta tronche, alors on va faire en sorte que tu te rappelles ta place à chaque fois que tu croiseras un miroir !

Puis d'une main, il appuie sur mon bassin pour m'empêcher de bouger le haut de mon corps. De l'autre, il dirige le couteau sur ma peau. Il presse la pointe de la lame contre ma chair, et un hurlement de douleur passe la barrière de mes lèvres quand il la transperce. La douleur me tient en tenailles, me poinçonne de part en part. Kenny fait glisser l'arme en partant de sous mon nombril pour remonter jusque sur mes côtes. Un fin filet de sang s'échappe sur mon épiderme, déjà recouvert d'une fine pellicule de sueur. Mon abdomen monte et descend à un rythme effréné, suivant les mouvements de mes poumons, eux-même entraînés dans une course folle par mes sanglots incontrôlables. La chaleur du liquide me dégoûte, alors qu'il poisse sous mon dos, et imbibe mes vêtements.

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant