- XXVI -

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Nikolaï

Je suis un connard. De premier ordre. J'ai eu mal de devoir ignorer ses larmes, j'ai eu mal de devoir ignorer ses hurlements qui me parvenaient depuis ma salle de sport, malgré le bruit de mes poings contre mon sac de frappe. Et putain, j'ai eu mal de devoir ignorer ses cernes noirs lorsqu'elle s'est levée ce matin.

Mais c'est un mal nécessaire. Au moment de passer à l'acte, j'ai compris. J'ai compris que si je franchissais le pas, ça n'aurait pas été « juste une nuit » comme elle me l'avait demandé. Parce que c'est foutu maintenant. Cette fille me rend dingue. Je pensais être passé à autre chose. Mais il faut croire que sa proximité quotidienne n'a fait qu'éveiller les sentiments que je m'étais efforcé d'enfouir il y a six ans. Et le jeu auquel nous nous sommes adonnés trop souvent n'a fait que renforcer tout ce joyeux bordel. Alors quand j'ai senti que nous ne jouions plus, quand j'ai senti que si je la faisais mienne c'était pour toujours, j'ai reculé.

Pour son bien. Parce que mon monde n'est pas le sien. Parce que je ne lui apporterai jamais rien de bon.

Les paroles de Shane résonnent dans mon esprit, et ne font que confirmer ce que je savais déjà, sans pour autant parvenir à m'y résoudre. Je ne voulais pas avoir à m'éloigner d'elle, malgré toutes ces fois où je me suis dit que je ne devais pas continuer d'être aussi... naturel avec elle. Car je n'ai fait que suivre les pulsions de mon âme, qui se ruait sans cesse sur la sienne tel un prédateur qui souhaite avoir sa proie pour lui seul.

J'ai préféré lui briser le cœur une nouvelle fois, avant qu'il ne soit trop tard, pour lui éviter une vie qui ne lui correspondait en rien. L'inconvénient quand on fait partie de mon monde, c'est que le danger est partout, prêt à nous acculer à tout moment. Et je refuse que ça devienne le sien. Je refuse de craindre pour sa vie à chaque fois que je devrai m'éloigner d'elle.

Ce que cette femme mérite, c'est un homme avec un travail sûr et respectable, qui l'aimera et la chérira coûte que coûte. Un homme qui lui fera une flopée de mioches, chacun avec le même regard que leur maman. Parce que ses deux orbes dépareillés sont les plus beaux que j'ai jamais vus, et je serais prêt à le jurer sur la tombe d'Alina.

Sauf que moi je ne peux pas lui offrir tout ça. Rien que mon amour, c'est déjà trop. Je suis possessif, alors même qu'elle ne m'appartient pas. Alors qu'en serait-il si c'était le cas ? Je ne peux pas me permettre de descendre tous les mecs qui poseront les yeux sur elle, ça ferait trop de cadavres à cacher, et pas assez de planques.

Alors pour la deuxième fois de ma vie, je n'ai pas été égoïste. Pas avec elle. Pour la deuxième fois, je l'ai rejetée dans le simple but de la protéger. Et j'entends encore son petit cœur qui craque à mes mots cinglants. Je n'en pensais pas un seul, j'ai eu autant mal qu'elle de les prononcer. Et quand je l'ai vue fondre en larmes devant moi, ça a été trop dur. Je ne voulais qu'une chose : la prendre dans mes bras, la rassurer, la câliner. Bordel. Je voulais la câliner. Puis lui faire l'amour jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de voix, plus de forces. Pas la baiser comme j'ai prétendu que j'avais fait il y a six ans. Non, je voulais lui faire l'amour. L'aimer, la vénérer.

Et maintenant, je dois garder mes distances. Pour ne pas la salir, elle qui en a déjà tant chié mais qui pourtant garde cette pureté au fond de son âme. Elle a surgit le soir où je voulais la laisser achever cette enflure de Ricky. Parce qu'elle n'est pas comme moi. Elle n'est pas de mon monde. Et je l'ai vue dans ses yeux, qui me crachait au visage que jamais elle ne s'abaissera à cet acte ignoble qu'est le fait de tuer. Cette pureté qui a failli être souillée par les deux abrutis qu'elle a croisés cinq minutes après avoir échappé de justesse à la noirceur de mon monde.

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant