Red Light - Tome 1

- XXVII -

Hayleen

Ça fait des semaines que ça dure. Métro-boulot-Nikolaï qui me casse la gueule à l'entraînement-dodo. Et putain, je suis épuisée. Les jours se suivent et se ressemblent, inlassablement. Des semaines que Nikolaï se contente de critiquer le moindre de mes faits et gestes, et chaque remarque est un peu plus cinglante que la précédente. Et lui. Lui est un peu plus désagréable chaque jour. Un peu plus distant que la veille. Ça me fatigue, et appuie sur chacun de mes nerfs. Je ne sais plus où j'en suis, mon coeur me fait mal quand je le vois et quand il est absent, c'est encore pire. Comme si mon âme refusait son rejet.

Mes entraînements occupent la majeure partie de la journée, alors je travaille sur les horaires d'ouverture du Red Light. Et je suis ravie de pouvoir m'enfermer dans le bureau de mon patron, sans avoir à subir l'effervescence constante de la foule.

Comme à mon habitude, je traîne des pieds dans le couloir, après avoir salué Keida. Je suis surprise – mais pas déçue – de ne pas trouver le propriétaire, qui d'ordinaire serait déjà affalé dans son fauteuil en sirotant un verre de rhum, son attention rivée sur son portable. Je soupire d'exaspération rien qu'à l'imaginer.

Je jette mon casque sur l'un des sièges en face du bureau puis prends place sur celui de Nikolaï. Je prends le temps de consulter les statistiques du marché, je réponds aux mails, etc...

Ai-je précisé que toutes mes journées se ressemblaient ?

Après avoir effectué les tâches habituelles, je consulte l'heure. Puis je lève les yeux au ciel en lâchant un râle exaspéré. Je suis bien loin d'avoir fini ma journée. Enfin, ma soirée. Bref, vous avez compris.

— Leen, tu m'expliques ce que c'est que ce bordel ?!

Je sursaute en voyant Isaac qui déboule comme une furie dans le bureau.

Le petit frère de mon meilleur ami était en déplacement ces dernières semaines. Je suppose que Shane n'a pas eu le temps de lui parler avant qu'il ne parte, et qu'Isaac vient tout juste de découvrir ma boulette.

— Pourquoi Shane est au courant que je bosse pour Nikolaï ?! gronde-t-il sur un ton menaçant, que je ne lui connais pas.

Isaac s'avance jusqu'à moi avant de taper du plat des mains sur le bureau. Son regard d'ordinaire brun est maintenant plus sombre encore que celui de notre patron. Il me dévisage avec haine, regret... Et aussi avec dégoût. Mon cœur se serre à la vue de toutes ces émotions négatives qui semblent se battre au fond de lui. Un nœud se forme dans ma gorge, et m'empêche de formuler une phrase cohérente.

— Écoute... Je... Isaac... Je... balbutié-je.

Je sais à quel point il tient à son frère. Il a beau être le plus jeune, il a de lui-même décidé d'endosser leurs responsabilités à tous les deux. Isaac aide souvent Shane à arrondir les fins de mois, il est là quand il ne va pas bien – car oui, même s'il n'en a pas l'air, Shane est émotionnellement instable.

Autrement dit, le petit frère a pris le rôle du grand frère, sans rien demander en retour. Il risque sa vie tous les jours en travaillant dans un milieu plus que douteux. Car bien que leurs intentions soient louables, leurs actes restent illégaux. Coupables ou non, leurs victimes devraient avoir affaire à la justice et non à deux fous furieux qui se prennent pour Batman et Robin.

Il a menti à Shane, dans le seul but de le tenir éloigné de toute cette merde. Car il savait que ça tournerait mal, quoi qu'il arrive. La situation dans laquelle nous nous trouvons en est la preuve.

— Leen, je te faisais confiance, bordel ! explose Isaac en cognant une nouvelle fois la plaque en verre. Tu sais pourtant comment il est ! Tu sais comment il réagit ! T'es vraiment une catastrophe ambulante ! Tout ce que tu fais, ça finit toujours en merde !