- XIX -

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Hayleen

Suis-je stupide ? C'est certain.

Suicidaire ? Sans nul doute.

Après une journée de boulot éreintante à trier et organiser tous les fichiers selon mon goût pour que je m'y retrouve avec plus de facilité, j'ai pris la merveilleuse décision d'aller en boîte.

Quelle boîte ?

Ben voyons.

Celle où il me verra jouer avec le feu. Celle où il constatera que je n'ai pas suivi ses ordres. Pour une fois, Nikolaï travaille sur les horaires d'ouverture aujourd'hui, ce qui me garantit sa présence au Red Light ce soir. Encore un rapport avec Ignis, je crois. Keida est en repos, ce qui me laisse le champ libre pour faire un tas de conneries qui auront raison de ma vie dès que Nikolaï s'en rendra compte.

Mais il l'a cherché, il m'a bien gavée. D'où on réveille les gens en plein cauchemar avec une bassine d'eau froide ? Et ses paroles... Je sais qu'un jour pas fait comme un autre je me le ferai. Et putain, je vais prendre mon pied. Parce que c'était marrant deux minutes le « je suis à deux doigts de te prendre sur mon bureau » pour se comporter comme un con juste après. Ça fait des jours et des jours que ça dure, maintenant. Et ça y est, j'en ai ras le cul.

Je sors un joint que j'avais fourré au fond d'un tiroir de ma commode en cas d'extrême nécessité, puis l'allume en prenant soin d'ouvrir la porte-fenêtre qui donne sur le balcon. Je fais les cents pas dans ma chambre, en ressassant encore et encore mes pensées noires.

La vibration de mon portable sur mon lit me tire de mes réflexions, je consulte mes notifications, puis étire mes lèvres en une grimace de dégoût quand je vois son texto.

[Michael :

Salut, Hay. Tu ne réponds pas à mes messages, tout va bien ? Je vais bientôt repartir de Hempstead, et je voulais vraiment te voir. Tu me manques.]

— Sale chien... murmuré-je en éteignant mon téléphone. La seule chose qui te manque c'est ton besoin viscéral de contrôler ma vie.

Il rajoute ces trois mots à la fin de chaque message qu'il m'envoie dès qu'il n'obtient pas de réponse. Il cherche à attiser ma culpabilité, mais tout ce qu'il parvient à faire, c'est raviver la flamme de la haine que je nourris envers lui depuis des années. Dix-sept ans, pour être précise. De toute façon, je ne me souviens de presque rien avant ça.

La mort de maman.

Une boule me serre aussitôt la gorge quand je repense à elle, et à son visage souriant. Je tente de la ravaler en déglutissant, et elle finit par se loger au fond de mon estomac. J'ai vécu plus de temps sans ma mère qu'avec elle, et pourtant je n'arrive toujours pas à ignorer la tristesse qui m'étreint le cœur quand mon âme se rappelle à quel point la sienne lui manque.

Je secoue la tête pour chasser mon chagrin, tandis que je fouille dans mes tiroirs, mon joint coincé entre les lèvres. J'en extirpe un t-shirt oversize à l'effigie du groupe Avenged Sevenfold, que j'enfile par-dessus un short en jean déchiré et un collant résille. Je chausse ensuite mes New Rocks en tirant une longue latte sur le mégot. Mes muscles se détendent peu à peu, et je lâche un soupir de bien-être en fixant le plafond.

Je recrache la fumée en secouant ma main pour la dissiper. Avec ça, je m'épargne au moins mes foutues crises de panique.

Merci Isaac.

J'attrape mon casque après avoir écrasé le reste de mon joint dans le cendrier, puis je dévale les escaliers de verre pour rejoindre le garage. J'enfourche ma bécane, puis m'élance sur la route après avoir traversé le portail au bout de l'allée.

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant