- XXI -

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Hayleen

Je rentre dans le bureau de Nikolaï à huit heures tapantes, comme il me l'a demandé. Et là, un détail me chagrine. Pas l'œillade froide qu'il me lance – sans doute parce que je suis rentrée sans toquer – ou même le ton cinglant avec lequel il me salue.

— Frapper à la porte, c'est trop te demander, Hay ? grogne-t-il.

J'ignore cette remarque, et mes yeux se posent sur un homme qui se trouve dos à moi, qui observe avec minutie le contenu de l'une des bibliothèques qui habillent le mur.

Ce n'est pas possible. C'est un cauchemar.

Mes sourcils se froncent, et mon nez se retroussent quand je devine l'identité de cette personne. Je suis tiraillée entre une violente envie de vomir et celle de fuir loin, très loin.

Mais lorsque l'homme en question se tourne vers moi, tout mon organisme se fige, mon sang semble comme gelé dans mes veines et mes cheveux se dressent sur mon crâne. Je serre les poings en déglutissant, incapable de détourner mon regard du sien.

— Bonjour, ma fille.

— Putain de bordel de merde... marmonné-je en reculant contre la porte fermée. Reed. Explications. Maintenant.

Je dévie mon regard sur le concerné, assis derrière son bureau. Les coudes posés sur le verre, et ses mains jointes devant sa bouche, il me toise sans ciller. Les secondes passent, et il ne décroche pas un mot.

— Explique-moi tout de suite ce qu'il fout là, ou je me casse, menacé-je. Et je t'assure que tu ne me reverras plus.

Je me tourne vers l'invité, et pointe un doigt dans sa direction.

— Et toi. Toi, tu n'entendras même plus parler de moi, je ferai en sorte que tu ne me retrouves pas, chose que j'aurais dû faire il y a belle lurette.

— Hayleen, gronde Nikolaï. Change de ton. Tout de suite.

Je m'avance vers lui, d'un pas lourd. Ses iris noirs soutiennent les miens, il me sonde, sans doute curieux de savoir si je tiens à la vie ou non – la réponse est non.

Le fait qu'il utilise mon prénom complet ne fait que renforcer l'urgence de la situation, mon cerveau carbure à toute allure sans pourtant comprendre pourquoi je me sens trahie à ce point. Je me fous de ce qu'il fait ou pense, non ?

— Sinon quoi, Reed ? ricané-je. Donne-moi une seule putain de bonne raison de poser mon cul et de t'écouter déblatérer tes conneries.

— Je t'avais dit que le boss venait ? me rappelle-t-il. Bah c'est lui. C'est lui qui m'a embauché.

Je tourne mon regard vers le sujet de notre conversation.

— Mon père ? Ton boss ?

Mon géniteur me gratifie d'un sourire qui se veut chaleureux, mais je sais qu'il n'en est rien. Tout chez cet homme n'est que mensonge.

— Oui, Hay. Je suis le boss de ce cher Nik, ajoute ce dernier. Et le tien, par la même occasion.

Hay.

Hay.

Hay.

Ce surnom résonne de manière désagréable contre mon crâne. Ces dernières semaines, je me suis habituée à l'entendre, mais pas de sa voix. Et à cet instant précis, je me rends compte que ça ne me dérange plus. Tant que c'est Nikolaï qui m'appelle ainsi. Ce qui ne fait que confirmer un peu plus ce qui me creuse le ventre depuis des jours : j'apprécie ce bouffon, plus que je ne veux bien l'admettre. Et je ne l'admettrai jamais. Je continuerai de clamer haut et fort à quel point je le hais. Parce qu'il ne peut pas en être autrement. Au moment où mon paternel prononce ces trois lettres, une violente rage me noue les entrailles. Elle remonte le long de mes veines jusqu'à atteindre ma gorge, et se mue en un flot de reproches amers.

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant