- XIV -

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Hayleen

En rentrant à la maison, Nikolaï me sort des dossiers de ses précédentes opérations, que j'étudie tout le reste de la journée. Ça me permet au moins d'occuper mon esprit et de ne plus penser à mes actes déraisonnés.

À la tombée de la nuit, je m'affale sur mon lit en étoile de mer, le visage enfoncé dans l'oreiller. Mes pensées frustrantes prennent aussitôt le dessus, et je ne peux m'empêcher de songer aux événements de ce matin, et tous les autres encore avant.

Nikolaï me fatigue. J'ai du mal à suivre ce qui se trame dans sa tête, et ses provocations à longueur de journée vont finir par avoir raison de mon palpitant. Alors oui, je m'y mets aussi. Mais c'est lui qui a commencé. Je ne voulais pas du tout jouer sur ce terrain-là, au début. Il m'y a poussée. Et maintenant, je n'ai plus aucun moyen de revenir en arrière. Parce que je me complais dans ce jeu malsain.

Parce que je suis faible dès qu'il s'agit de Nikolaï Reed, alias le mec qui fait autant battre mon cœur que mes nerfs.

Je sais que je le hais pour tout ce qu'il m'a fait. Mais cette part de moi qui était tombée pour lui il y a six ans continue de s'accrocher au faible espoir que peut-être il peut y avoir quelque chose entre nous.

C'est ridicule.

Il a fait appel à moi pour une raison bien précise, et il ne s'en cache pas. À quoi bon espérer ?

Je sors de mes pensées maussades puis me dirige vers la salle de bains après avoir attrapé un t-shirt blanc oversize et des sous-vêtements propres dans le tiroir de ma commode. Je prends une douche rapide, et surtout, froide. J'ai besoin de me secouer un bon coup.

Le meilleur moyen de ne pas céder à mes sentiments stupides et inutiles, c'est de prendre de la distance. D'arrêter de réagir à ses provocations. De le repousser.

C'est aussi la solution la plus saine pour mon cerveau.

Je me sèche en chantonnant Smells Like Teen Spirit du groupe Nirvana, puis enfile mes sous-vêtements en ignorant mon reflet dans le miroir.

Parce que ça aussi je dois l'éviter, dorénavant. Mes regrets et ma haine m'ont assez pourri la vie, je dois avancer. Je ne veux plus que cette foutue cicatrice me rappelle un échec, car ça n'en était pas un. C'est une marque du passé, qui prouve que je suis une battante. J'aurais pu mourir ce soir-là, et au lieu d'être reconnaissante, je me renferme dans les sentiments négatifs que cette balafre m'inspire.

— Je ne savais pas que tu aimais Nirvana.

Je retiens un hurlement, mais mon sursaut est trop violent pour être réprimé. Je me tourne vers la porte de la salle de bains en assassinant mon colocataire du regard, une main sur mon cœur affolé.

— Putain de bordel de merde. Reed. Qu'est-ce que tu fous là ?

Ses yeux sombres détaillent mon ensemble de sous-vêtements blanc, sans se soucier de ma question. Quand ses iris s'accrochent aux miens, mes tripes se tordent de désir malgré moi. Il se mord la lèvre inférieure en me scrutant de ses prunelles brûlantes.

La petite voix dans ma tête secoue mon cerveau dans tous les sens en me hurlant de ne pas réagir, de ne plus lui donner la satisfaction d'être aussi réceptive. Je décide donc d'ignorer son air affamé pour enfiler mon t-shirt, qui m'arrive à mi-cuisse tant il est grand.

— Qu'est-ce que tu fous là ? répété-je en m'emparant du dentifrice. Tu n'as pas été invité à rentrer dans ma chambre, que je sache.

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant