- XXVIII -

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Hayleen

— Ah oui, quand tu disais qu'il était déchiré, je pensais que tu parlais de Shane, pas de son appart'... plaisanté-je.

Mon ton est certes sarcastique, mais je n'en suis pas moins inquiète pour autant. Mon meilleur ami est étalé sur son canapé, en caleçon, dans un état lamentable. Et son appartement est dans un état tout aussi déplorable, si ce n'est plus. Shane n'est pas un pro du rangement, mais là on atteint des limites que personne n'est censé franchir.

Les meubles sont déplacés, comme si on les avait poussés pour passer ses nerfs. Des bouteilles et canettes d'alcools en tous genres jonchent le sol, des vêtements sont éparpillés çà et là à travers la pièce principale, des joints à moitié fumés traînent à côté d'un cendrier qui déborde de mégots, bref c'est le bordel.

Je me mords l'intérieur de la joue en constatant l'état de Shane, qui ronfle la bouche grande ouverte, un flash de vodka à la main. Des cernes noirs soulignent ses paupières closes, une barbe a poussé sur son menton, et la touffe hirsute sur son crâne ressemble plus à une botte de foin qu'à des cheveux.

Je m'approche de mon ami, puis prends un plaid qui traîne par terre pour le recouvrir, avant de me tourner vers son cadet.

— On devrait profiter qu'il est calme pour ranger tout ce bordel, tu ne crois pas ? suggéré-je.

Isaac hoche la tête en partant à la recherche d'un rouleau de sacs poubelle, qu'il trouve presque aussitôt dans le frigo.

Ne me demandez pas comment c'est arrivé là ni pourquoi il a pensé à chercher à cet endroit...

Nous commençons par jeter tous les déchets, restes de nourriture à moitié avariée, canettes, bouteilles, et ce dans le silence le plus religieux. Une fois le premier sac rempli, je décide de prendre la parole.

— Je suis désolée, Isaac...

— Ce n'est rien, me coupe-t-il. Il aurait bien fini par le savoir, de toute manière. Il n'est pas idiot, il se doutait bien qu'un pauvre petit dealer de rue ça ne peut pas ramener d'aussi grosses sommes... Il était souvent sceptique quand on abordait ce sujet. Ce n'était qu'une question de temps.

Je fronce les sourcils en me postant face à lui, les mains sur les hanches. Ses yeux trahissent sa fatigue et son impuissance face à la situation. La culpabilité serre mes tripe dans son étau sournois, et je dois prendre sur moi pour ne pas me confondre en excuses interminables.

— Il aurait certes fini par l'apprendre, mais ça aurait été mieux que ça sorte de ta bouche plutôt que de celle de votre amie maladroite et bourrée, rétorqué-je. Maintenant on doit lui annoncer qu'on part sur une mission probablement douteuse à cent soixante kilomètres d'ici.

Isaac pince les lèvres, et un air inquiet s'installe sur son visage.

— Il va faire n'importe quoi, Leen... Je ne la sens pas, cette histoire.

J'acquiesce d'un mouvement de tête.

— Je pense qu'on devrait le confier à Kei, pour le coup.

Après un regard entendu, nous ouvrons un nouveau sac poubelle puis reprenons notre ménage. Une bonne heure passe, après laquelle tout est à peu près redevenu propre — si on fait abstraction du propriétaire des lieux. La machine à laver est en train de tourner, les meubles ont retrouvé leur place, la vaisselle et le ménage sont faits, il ne reste plus qu'à laver la loque qui gît dans le canapé.

— Non... Moi j'ai mangé la trompe de l'éléphant... marmonne Shane en gigotant sur le clic-clac. Ce n'est pas vrai... Toi t'as eu la coquille de vache... Mais le lait de poule c'est meilleur !

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant