Hayleen
— Pourquoi tu n'es pas montée dans la voiture, Hay ? demande Nikolaï sur un ton de reproche.
Je lève les yeux au ciel en retirant ma veste et mes chaussures, sans pour autant répondre. Il se rapproche d'un pas rapide, puis empoigne mon avant-bras alors que je m'apprête à rejoindre ma chambre. Je lui lance un regard assassin, bien décidée à garder ma bouche fermée – pour une fois.
Je ne veux pas de sa pitié. Pas la sienne, ni celle de personne d'autre. Je ne veux pas qu'il voit à quel point je me retrouve démunie dès qu'il s'agit de mon passé, à quel point je suis livrée à mes émotions et mes pulsions à la moindre contrariété.
Nikolaï fronce les sourcils quand il se confronte à mon œillade noire.
— Réponds-moi, insiste-t-il.
Pour toute réponse, je contracte la mâchoire, puis je tire sur mon bras pour me dégager de son emprise. En vain.
Évidemment.
La frustration ondule dans mes veines, et remplit mon cœur de sa noirceur sournoise. Je déteste être si faible, surtout face à lui. J'aurais pu le repousser plus d'une fois, mais un bout de mon âme s'y refuse, et reste accroché à lui malgré les circonstances. Parce qu'en dépit de tout, cet homme me fait me sentir en sécurité.
— Hayleen...
Je me tends. Il est si rare qu'il utilise mon prénom entier. Et ces deux syllabes prononcées de manière distincte me font l'effet d'une décharge électrique lorsqu'elles résonnent dans sa voix. Son ton n'a rien de menaçant. Il est presque suppliant, comme s'il voulait me décharger de mes doutes, de mes peurs. Et ça me retourne l'estomac de voir l'influence qu'il a sur moi. Je finis par soupirer en fermant les paupières, résignée.
Il ne me lâchera pas la grappe, de toute façon...
— Je ne suis pas une lâche, Reed, déclaré-je entre mes dents serrées. Je ne fuis pas mes démons, je les affronte. Et si tu n'étais pas intervenu, on serait en train de creuser un trou de six mètres de profondeur dans une forêt paumée à cent bornes d'ici.
La main sur mon avant-bras se desserre. Puis elle remonte le long de mon biceps, caresse mon épaule avec douceur. Nikolaï vient alors appuyer un doigt sous mon menton pour me forcer à le regarder dans les yeux. Et ce que j'y vois me soulage l'espace d'un instant. Son regard est glacial. Mais il n'y a pas une once de pitié dans ses iris sombres. Pas de compassion. Il m'observe juste pour ce que je suis. Quelqu'un qu'on a empêché de faire une grosse connerie, mais dont on comprend les motivations.
— Je m'en occuperai, assure-t-il. J'affronterai tes démons pour toi.
J'émets un rire cynique, un rictus amer sur les lèvres.
— Et pourquoi tu ferais ça ?
— Parce que tu n'as pas à te salir les mains pour des merdes pareilles, répond-il. Et que c'est mon travail, mon cœur.
La haine reprend place sur mon visage, et mes narines tressautent. Le soulagement de ne pas être prise en pitié est bien vite remplacé par l'amertume que laissent ses paroles dans mon crâne.
— Arrête de m'appeler comme ça, Reed. Je ne suis pas ton cœur. T'as oublié ? Je suis Frankenstein.
Ses sourcils se froncent, il ne répond plus. Et c'est tant mieux. Il est trop lunatique, ça me brise les nerfs, j'en ai marre de ne pas savoir sur quel pied jongler avec lui. Un jour il me regarde comme si j'étais sa seule source d'oxygène, comme s'il voulait me protéger de tout. Et le lendemain, il ne fait que jouer avec moi et mes émotions, en me rappelant sans cesse que si je suis ici avec lui, c'est pour une raison précise que je ne connais même pas.
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Red Light - Tome 1
Storie d'amoreQuand on tombe sur notre ancien tortionnaire du lycée, plusieurs années après, est-ce une bonne idée d'accepter son aide ? Hayleen aura rapidement la réponse à cette question, quand Nikolaï lui tendra une main destinée à la trahir. Mais lui aura-t-i...