Red Light - Tome 1

- V -

Hayleen

J'arrive en trombe devant le Red Light, de très mauvaise humeur.

On remercie haut et fort le proprio, qui a décidé de claquer toute sa thune dans je ne sais quoi...

Je gare ma Harley dans la ruelle adjacente pour la cacher de la circulation. Ce bijou n'a aucun prix, c'est le seul héritage que j'ai eu de ma mère. Je l'ai perdue quand j'avais sept ans, à la suite d'un cancer.

Ma gorge se noue quand je repense à son visage pâle, et son crâne chauve. Mon regard se pose sur la moto, et j'en caresse le guidon du bout des doigts, le cœur lourd. Je chérirai ce trésor jusqu'à ma mort.

Je finis par secouer la tête pour replacer mes cheveux, après avoir enlevé mon casque. Je souffle sur une mèche qui atterrit dans mes yeux, avant de rentrer dans le night-club. Il est huit heures du matin, et l'ambiance n'est pas du tout la même qu'au cœur de la nuit. Les néons rouges sont éteints, remplacés par des spots leds qui éclairent l'endroit d'une lueur froide. Les employés s'affairent à préparer la salle pour ce soir, certains nettoient les tables, le bar, ainsi que les fauteuils. D'autres passent la serpillière, ou replacent les bouteilles correctement dans la vitrine derrière le comptoir.

Tout est calme, ce qui contraste avec les émotions qui font rage au creux de mes entrailles. Les dernières vingt-quatre heures ont été rudes. Entre l'appréhension qui glisse dans mes veines comme un poison sournois destiné à me rendre folle, et ce foutu contrat de malade mental, qui me rend furieuse. Les étoiles jouent avec mes nerfs au point que la moindre personne qui aurait le malheur de me regarder deux secondes de trop risquerait de manger une salade de phalanges.

J'embrasse la salle du regard, à la recherche de mon patron. Mais je ne le trouve pas, ce qui me fait grincer des dents, de plus en plus contrariée.

***

Nikolaï

Je suis assis à l'étage, dans un box depuis lequel j'ai pleine vue sur le rez-de-chaussée. Un sourire se faufile sur mon visage quand je la vois rentrer dans le Red Light.

— Te voilà, chaton... murmuré-je en portant mon verre à mes lèvres.

J'avale une gorgée de rhum en suivant ma nouvelle assistante des yeux. Elle semble chercher quelque chose. Ou quelqu'un.

Au hasard, moi ?

Le visage de Hayleen est fermé, froid, et crispé. Signe qu'elle est de mauvaise humeur. Elle assassine du regard chaque employé qui a l'audace de respirer un peu trop près d'elle. Et cette vision a le mérite d'élargir mon sourire.

Si seulement elle savait...

Le contrat qu'elle a signé hier n'est rien de plus qu'un simple contrat de travail, qui détaille ses horaires, son salaire, et les règles à appliquer.

Un contrat de travail, quoi.

Mais quand elle a refusé de le lire, j'y ai vu une opportunité de jouer un peu avec sa patience. Bien sûr, j'ai été sérieux sur certaines choses.

Aucun autre homme que moi ne l'approchera.

Elle n'a pas changé depuis le lycée. Et quelque chose en moi me pousse à vouloir la garder pour moi seul.

T'es raide, mon gars.

J'ignore ma petite voix et ses élucubrations. Moi, encore raide de Hayleen Ross ? C'est ridicule. J'aime juste posséder de jolies choses.