- XVIII -

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Nikolaï, 18 ans

Une vibration dans ma poche m'indique l'arrivée d'un SMS. Je consulte mes notifications en vitesse, et mon cœur se fige quand je vois que le message provient d'un numéro non enregistré.

C'est lui ?

[Numéro Inconnu :

Je n'ai pas pu attendre ton retour, tu m'excuseras.]

Son message est accompagné d'une photo. Sur laquelle on voit ma sœur, ligotée, bâillonnée, les joues inondées de larmes, et les genoux en sang — sans doute qu'elle a été traînée sur le sol.

Mon poing se crispe autour de mon portable, et je serre si fort ma mâchoire que je pourrais en perdre mes molaires. Ça ne fait qu'une heure que j'ai fini de m'enivrer dans les bras du paradis, que la dure réalité me rattrape déjà. J'étais juste sorti prendre l'air, et voilà que je me retrouve contraint d'abandonner la petite brune qui accompagne mes pensées depuis bien trop longtemps.

— Sale fils de...

Je ne finis pas ma phrase, sa mère n'a sans doute rien à voir avec tout ça. Je ne prends pas la peine de prévenir Hayleen, elle dort déjà, de toute façon. D'un pas rapide, je rejoins ma voiture et m'y engouffre avant de démarrer en trombe, le moteur rugissant sous le capot.

Faites que j'arrive à temps.

Sur la photo, j'ai pu distinguer notre salon en arrière-plan. Ce qui signifie qu'il veut que je les retrouve. J'enfonce la pédale d'accélération et zigzague entre les véhicules, qui klaxonnent à mon passage. J'entre à toute vitesse dans ma rue et fais crisser mes pneus sur le bitume en pilant devant mon immeuble. Je monte les escaliers quatre à quatre, tandis que mon cœur dans ma poitrine hésite entre s'arrêter ou battre encore plus fort. Je lui intime de continuer, tant que je ne l'ai pas vue, tant que je ne l'ai pas sortie de là.

Quand j'arrive à mon étage, je constate que la porte de notre appartement est entrouverte, et les faibles sons qui me parviennent manquent de me faire basculer. Ses gémissements de douleur. La voix de ma sœur est brisée par les larmes, et laisse transparaître toute la terreur qu'elle ressent à cet instant. La gorge nouée, je m'avance jusqu'à la porte avec une lenteur mortelle, puis je tends une main tremblante pour pousser cette dernière. Je prie pour que tout ça ne soit qu'une foutue blague. De très mauvais goût, certes. Mais je préfèrerais mille fois que ce soit une blague.

— Alina ? appelé-je d'une voix mal assurée.

— Nikolaï !

Ce simple son me rassure l'espace d'un court instant. Mon palpitant bondit de joie contre mes poumons comprimés, mais ce sentiment est de courte durée. Il s'évapore dès que je pénètre dans la pièce. Parce que ce n'est pas une blague. Ce n'est pas une putain de blague. Elle est là, sur la moquette à moitié moisie de notre salon décrépi, assise à même le sol. Ses poignets sont attachés dans son dos et son bâillon est rabattu sous son menton. Ma respiration se saccade quand mon regard croise ses yeux couleur de miel. Ils sont élargis par la peur, rougis par les larmes. Sa lèvre inférieure est gonflée d'avoir été mordue encore et encore tandis que les commissures de sa bouche sont irritées à cause du bâillon. Cette scène me retourne l'estomac, je lutte pour refouler la bile qui m'agresse le fond de la gorge. Je m'approche d'Alina, mes prunelles rivées aux siennes.

— Alina... Ça va aller, petit lézard... Je suis là...

Ma voix est aussi tremblante que le sont mes mains, et mes pas sont moins assurés que lorsque j'ai quitté la soirée. Et quand il sort de l'ombre de la pièce, bras tendu, pointant le canon d'un Desert Eagle sur sa tempe, je sais que c'est foutu. Il m'a juste convié à l'exécution de ma propre sœur. J'écarquille les yeux, et mon cœur se brise tandis que j'entends le clic du cran de sûreté. Je lève des pupilles suppliantes vers lui, implorant sa clémence en silence.

Red Light - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant