3. Jungkook d'Earwen

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- Jungkook !

Namjoon courait vers moi, son carcan tressautait dans son dos à chaque pas. Il était vide des flèches qui avaient transpercé nos ennemis. Son visage reflétait le soulagement de me savoir vivant dans ce chaos qu'était dorénavant Earwen.

Hoseok lui emboitait le pas plus lentement, la tête baissée et les épaules voûtées.

Ses yeux se portaient sur les cadavres qui jonchaient le sol, une lueur de détresse y flottait.

Il n'avait jamais été fait pour la guerre et ne le serait jamais.

Je détournai le regard pour le porter sur les colonnes de fumée qui s'élevaient des ruines de ce qui avait été nos habitations.

De notre île, il ne restait rien.

La mort avait comblé chaque espace libre.

Je n'entendais que les gouttes de sang qui glissaient le long de la lame de ma claymore et qui se perdaient dans cette terre désormais maudite.

Mes amis se portèrent à mes côtés, piliers inébranlables de ma vie d'homme et de guerrier.

Le soleil se couchait à l'horizon et le ciel prenait une teinte rougeâtre qui se confondait avec celle du sang qui recouvrait le sol.

De nos maisons ne restaient que des amas de pierres léchées par les dernières flammes d'un incendie dévastateur.

L'envahisseur avait atteint nos terres que nous croyions protégées. Il avait détruit nos vies, massacré les nôtres dans une volonté d'asservissement.

Le pays n'était que tumulte face à ce roi despotique qui ne pensait qu'à la gloire de ses conquêtes, même si cela signifiait éradiquer un peuple.

Nous n'étions que des formes de plomb sans visage couchées sur une carte.

Je serrai les poings sur la garde de la dague que je portais à la ceinture, j'en sentis ses reliefs s'imprimer dans ma paume.

- Et maintenant, que faisons-nous ? demanda Namjoon en s'approchant de Hoseok dont on ne percevait pas le visage. Il était caché par la cape qu'il avait plaqué contre son nez dans l'espoir d'échapper aux odeurs du charnier qui s'étalait sous nos yeux.

Je jetai un dernier coup d'œil sur ce qui avait été ma vie.

L'image de mes souvenirs se superposant sur celle de la désolation.

Je me rappelai mon enfance sans parents, grandissant auprès de mes amis qui étaient devenus mes frères.

J'eus une pensée pour celui qui nous avait élevé comme si nous étions de son sang. Je remerciai le ciel que Dieu l'ait rappelé à lui avant qu'il ne puisse assister à la chute de ce qui avait été son paradis.

Nous, les trois orphelins qui avions grandi sur cette île, mais qui n'avions su la défendre.

Elle nous avait tout donné et nous n'avions pu lui rendre sa bienveillance.

- Nous partons, répondis-je simplement.

Il n'y avait plus rien à faire ici, la petite communauté qui avait été la nôtre avait rendu son dernier souffle sous la lame ennemie.

Les rares maisons avaient été brûlées et ceux qui n'avaient pas pu fuir avaient péri.

Je ne ressentais aucune satisfaction à avoir tué ces hommes qui avaient voulu nous arracher notre terre.

À chaque fois que ma lame pénétrait leurs corps, un ami tombait.

Nous étions les derniers, spectateurs de l'impossible. Le combat était fini, car il n'y avait plus rien, cependant il continuait ailleurs.

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