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43. Réminiscences

- Taehyung !

Je me retournai vers Cyan qui arrivait en courant. Sa silhouette se découpa dans l'encadrement du porche de pierre qui marquait l'entrée de l'infirmerie du château des MacRae.

Le Laird m'y avait donné accès pour que je puisse préparer des onguents et autres potions qui serviraient à soigner les blessés de la bataille qui s'annonçait.

Nous avions refusé de loger dans l'enceinte même des remparts et avions dressé nos tentes près du campement, au bord de la rivière.

Ailean l'avait voulu ainsi pour être au plus près des hommes qui se battraient sous sa bannière. Du roi qu'il deviendrait très bientôt, il avait la noblesse et cette capacité à considérer chacun sur un pied d'égalité.

J'étais fier de ce qu'il était devenu et ne pouvait m'empêcher parfois de penser avec nostalgie à l'enfant qu'il avait été.

Douze années s'étaient écoulées sur l'ile alors qu'ici seules quelques saisons avaient passé.

Je l'avais vu grandir et devenir un homme animé du feu de la justice. Il m'en rappelait occasionnellement un autre dans sa fougue...

Il me manquait, c'était viscéral et je ne pouvais m'empêcher de me demander où ses pas l'avaient mené depuis qu'il avait quitté les brumes de Beriya.

Perdu dans mes pensées, je n'avais pas vu que Cyan s'était approchée et me regardais, la tête légèrement inclinée sur le côté, comme si elle essayait de sonder mon âme.

Notre amitié n'avait jamais plus été la même, cependant elle s'était reconstruite au fil des années sur d'autres bases, mais un mur invisible s'était dressé entre nous et je savais que rien ne le détruirait.

Nous avions été surpris d'être deux à être désignés pour suivre Ailean dans sa quête, cependant nous avions su mettre de côté cette distance que j'avais moi-même instaurée.

Il en était de l'intérêt même de notre mission, celle pour laquelle nous étions nés et pour laquelle nous avions autant sacrifié.

Après le départ de Jungkook, les années avaient défilé sans vraiment que je m'en rende compte, nous continuions de fêter chaque équinoxe, chaque solstice, mais mon cœur ne s'en réjouissait plus.

J'étais devenu le fantôme que j'aurais aimé être. Si Jimin ne m'avait pas supplié de vivre ce jour-là, je me serais certainement laissé engloutir par les flots glacés sur lequel il voguait.

Je vivais, je survivais, mais je ne ressentais plus.

Il avait tout pris avec lui, la chaleur du soleil sur ma peau, la caresse du vent dans mes cheveux, le gout sucré des fraises de printemps, l'odeur réconfortante du feu de bois qui crépitait dans la cheminée alors que la neige tombait à gros flocons.

Je regardais les saisons défiler par ma fenêtre comme un spectateur.

Je n'étais plus acteur de ma vie, seul mon cœur battait encore et à chaque battement, j'entendais le soupir qu'il poussait.

Mon monde n'était que noir et blanc, puis un jour la couleur revint.

Elle prit naissance dans le sourire de mes amis qui restaient à mes côtés, dans la douceur de Llyr qui se blottissait contre moi quand mon corps épuisé de lutter contre cette tristesse constante se laissait aller. Les sanglots m'inondaient alors, plus déchirants qu'un coup de poignard.

La nature me rappela à elle. Le vent dans les feuilles me joua une douce mélodie, la mer auprès de laquelle je n'allais plus, m'invita dans ses eaux claires.