41. Adieu

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L'élixir trouva sa place dans la besace et je ne le revis plus.

Le temps filait sans que rien ne semble pouvoir l'arrêter. Je m'accrochais à chaque minute, à chaque seconde. Je gravais ses expressions en moi, je volais ses sourires, je goutais sa peau pour en garder à jamais le gout suave.

Chaque instant à ses côtés était un bonheur, chaque instant était une souffrance.

Nous ne parlions pas des adieux, car tous nos gestes en étaient un.

Au matin de Mabon, j'ouvris les yeux, le cœur lourd.

Le temps s'était mis au diapason de mon humeur, il paraissait n'être que tristesse.

Le vent soufflait en rafales et la pluie battait les carreaux.

Nous avions pris le petit déjeuner en silence, les yeux dans les yeux. Ils parlaient leur propre langage et n'étaient que cris d'amour. Nous avions passé le reste de la matinée, blottis au fond de notre lit, à l'abri des couvertures qui avaient été les témoins de nos caresses, de nos murmures, de nos silences.

Il n'y eut pas de promesse si ce n'était celle de s'aimer, les autres ne pourraient être tenues.

Le soleil finit par se montrer en début d'après-midi et chacun put alors préparer la fête qui ne l'était que de nom. Je n'arrivais pas à me réjouir de ces festivités et même si chacun abhorrait un sourire de façade, la peine noyait les cœurs.

Mabon était la célébration de l'équinoxe d'automne, le second moment de l'année où lumière et obscurité étaient égales. Dès le lendemain, les nuits deviendraient plus longues que les jours jusqu'à ce qu'Ostara et son printemps ne revienne nous inonder de clarté.

C'était une fête de gratitude pour ce que la terre avait produit pendant la belle saison et un au revoir à l'été. Bientôt l'hiver serait à notre porte, les feuilles brunissaient déjà et le vent portait jusqu'à nous l'odeur humide du sous-bois qui accueillait ses premiers champignons.

Mais c'était aussi la saison des deuils qui commençait et je ne pouvais m'empêcher de faire le rapprochement avec le départ de Jungkook.

J'essayais pourtant de donner le change, un sourire aux lèvres. Personne n'était dupe, certainement pas lui dont le regard s'assombrissait au fil des heures qui s'égrenaient.

Quand vint la tombée de la nuit, chacun revêtit une cape de velours à l'identique de celles que j'avais pu voir sur la gravure.

Elles étaient de la couleur bleutée de la nuit et incrustées de minuscules nacres qui brillaient à la lueur des flambeaux que nous portions dans nos mains, parfait reflet de la nuit étoilée.

Hoseok et Namjoon en avaient reçu une en cadeau. Ils étaient dorénavant des nôtres et portaient nos couleurs.

Jungkook les avait regardés avec fierté.

Je lui en avais offert une, de la couleur des ténèbres, doublée de laine épaisse. J'avais espéré qu'il la prendrait en partant comme s'il emmenait une petite partie de moi avec lui. J'y avais caché une broderie de fils d'or à l'intérieur qui représentait un J et un T entrelacés. C'était puéril, je le savais.

Nous cheminâmes jusqu'au cromlech, nos familiers près de nous. La lueur des torches nous entourait, leurs lumières jetaient des ombres autour de nous.

Light Geal s'était réfugié dans les cheveux de Hoseok, alors que Ruadh et Mordag nous précédaient, nullement impressionnés par cet environnement dont ils avaient exploré les moindres recoins.

Cyan marchait non loin de nous, près de Beathan et de Namjoon. Je sentais parfois son regard sur moi, cependant je ne tournais pas la tête. Je l'avais salué à son arrivée comme chacun de mes compagnons, néanmoins mon esprit n'était pas au faux semblant et à l'amabilité, il était entièrement tourné vers Jungkook qui me tenait la main en marchant en silence. J'avais entendu son geste de paix, seulement cela.

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