19. Ce que murmurait mon cœur

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Mes pas s'enfonçaient dans la mousse dense qui recouvrait le sol du sous-bois. La seule lumière provenait des rayons de la lune, elle perçait la frondaison.

Nos ombres avaient disparu, ne laissant que nos silhouettes se faufilant entre les arbres.

Des milliers de lucioles brillaient pour nous ouvrir le chemin.

De Cyan, je ne distinguais pas les traits, je les devinais.

Seule sa main qui tenait la mienne me rappelait qu'elle n'était pas une chimère qui aurait vu son réveil à la faveur de l'équinoxe.

Nous arrivâmes dans la clairière qui abritait le cromlech de l'île. Je voyais les symboles qui parcheminaient chacune de ses pierres dans un rayon bleuté. Il s'agissait d'une écriture ancienne, plus vieille que le monde.

La paix ici avait une autre dimension, comme si les dieux avaient voulu poser sur cette terre un peu de leur paradis.

Je lâchais sa main quand elle entra dans le cercle.

Son visage, que je distinguai dorénavant dans la lumière des étoiles, irradiait d'une beauté irréelle.

Elle tournait sur elle-même, les bras en croix, la tête rejetée en arrière, puis elle s'arrêta avant de m'adresser un sourire.

Je le lui rendis.

Je l'avais suivi pour échapper à ma peine, mais celle-ci ne me quittait pas.

- Pourquoi as-tu l'air si triste, Taehyung de Beriya ?

Je m'avançai vers les pierres et appuyai mon épaule contre l'une d'elle.

- Je ne le suis pas, mentis-je.

- Tes yeux le sont à chaque fois que tu poses les yeux sur lui.

Je ne répondis pas. Elle continua.

- Ton regard l'appelle, mais il ne peut être à toi. Il n'est pas des nôtres. Il partira. Je t'ai vu ce jour-là à la forge. J'ai vu l'espoir et la douleur sur ton visage quand il s'est détourné pour parler à Sorcha. Tu as peur.

- De quoi pourrais-je avoir peur ?

- De l'amour, de ce qu'il provoque en toi.

- Tu divagues Augure, je ne ressens rien de tel pour Jungkook d'Earwen. Je sais ce qu'est l'amour. Je le ressens chaque jour pour chacun d'entre vous, pour chaque jour qui se lève, pour la vie qui est la mienne, répétant ce que j'avais dit à Jimin.

Elle pencha la tête sur le côté, ses longs cheveux bruns tombèrent en cascade sur son épaule.

- Je n'évoque pas de cet amour-là. Je te parle de celui qui coupe la respiration, qui brûle chaque parcelle de ton corps et qui te consume jusqu'à ce qu'il ne reste rien d'autre que l'autre.

Sa voix se superposait à celle de mon ami, les mots étaient différents, mais la volonté était la même. Ils parlaient d'une même voix pour m'amener sur un chemin de pensée que je ne souhaitais pas emprunter.

- Tu parles de désir. Celui que vous assouvissez quand vient Beltane, me défendais-je.

- Beltane n'est qu'une union des êtres. Un cadeau fait à la terre pour en garantir la fertilité. Elle transcende le corps, mais pas le cœur.

Elle s'approcha lentement jusqu'à n'être qu'à quelques centimètres de moi. Elle ne marchait pas, elle dansait. Je sentais son parfum de fleurs m'entourer comme une étreinte.

- Le désir de s'unir se transforme quand on aime. Cela devient un tout, une finalité. On veut se perdre dans l'autre pour que jamais il nous échappe. On veut être son air et l'eau qui abreuve ses lèvres.

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