4. Les embruns

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Je m'étais réveillé bien avant que le soleil ne pointe à l'horizon. La veille, j'avais récolté la rosée de Beltane, celle qui nous accompagnerait toute l'année et que nous utilisions pour ses vertus guérisseuses.

Elle était conservée soigneusement dans de petites fioles de verre qui représentaient pour nous un trésor.

Je procédai à un sortilège de gratitude pour remercier les dieux de ce cadeau inestimable.

Je pris un plateau en nacre et y versai du sable de Beriya. J'y plantai une chandelle blanche pour la purification et une verte pour la guérison. J'y posai une pierre d'améthyste avant de laisser tomber quelques fleurs de queue de renard (Amarante).

J'enflammai un brin de paille pour les allumer.

J'allumai un fagot de sauge à leur flamme et laissai la fumée s'enrouler autour de chaque flacon pour les purifier.

Une fois le rituel fini, j'ouvris la fenêtre pour laisser la brise de ce mois de mai balayer les derniers vestiges de cette odeur herbacée et légèrement musquée qui était entêtante.

Llyr sauta sur le rebord et pencha la tête sur le côté, son petit museau s'agita dans les airs pour capter les dernières fragrances qui flottaient encore dans la pièce.

J'attrapai un grand panier en osier et lui fis un signe de la main.

Il sauta lestement et grimpa le long de mes braies, jusqu'à venir se poser sur mon épaule.

Je sortis une noisette de ma poche et lui tendis.

L'écureuil l'attrapa aussitôt pour la grignoter.

Je retins un sourire et me dirigeai vers la porte.

Le soleil était dorénavant levé.

Un fin brouillard flottait sur le paysage empêchant de voir à plus d'un mètre, pourtant je me dirigeai à travers les dénivelés du terrain sans même regarder où je mettais les pieds.

Je connaissais chaque racine, chaque pierre, chaque arbre de cette terre qui m'avait vu naitre. J'aurais pour en arpenter ses reliefs les yeux fermés.

Je me dirigeai d'abord vers le ruisseau dont j'entendais la musique dans le lointain.

Les pousses de cresson ondulaient doucement dans le courant.

J'ôtai mes chaussures et m'avançai lentement dans l'eau. Je sentis sa morsure glaciale sur mes chevilles et poussai un cri de surprise qui fit déguerpir Llyr.

Je lui jetai un regard avant d'éclater de rire.

- Je me demande, mon cher Llyr, pourquoi tu m'as choisi. Ai-je donc si peu de courage ?

L'écureuil émit un petit couinement outré avant d'enrouler sa silhouette fauve autour d'un tronc et de venir poser son séant sur une branche au-dessus des remous de la rivière.

Je me détournai et retournai à ma récolte.

Quand je relevai la tête, le soleil était haut dans le ciel, il traversait les feuillages et formaient des arabesques à la surface de l'eau. Les brumes s'étaient estompées.

Je frottai mes mains tétanisées par le froid et jetai un coup d'œil à mon panier bien rempli, avec la satisfaction que l'on ressent après un travail harassant, mais ô combien gratifiant.

Llyr descendit de son perchoir et vint à mes côtés alors que je m'asseyais sur une pierre plate que caressait un rai de lumière.

Je laissai mon regard se perdre dans ce paysage qui était chaque jour différent.

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