XXII. Accouchement

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Je suis toujours debout sur l'estrade, mon dirk pend au bout de ma main droite.
Je fixe du regard les trois cadavres qui jonchent les marches d’un des escaliers de l'arène.

Un homme.

Un enfant.

Et une femme enceinte.

C'est une tragédie.

Je sais que perdre des proches et des membres du clan est difficile, et même si je ne connaissais pas ces trois personnes, je suis affligée par ce qui leur est arrivé.

Mais en plus, ils représentaient beaucoup pour l’avenir du clan. Le clan essaye de se reconstruire depuis plusieurs années, et voilà qu’un enfant et un futur nouveau né viennent d’être tués. Ils représentent des mois d’efforts pour amener le clan à devenir plus fort.

Deux enfants tués (car vu le ventre de la femme assassinée, elle n'allait pas tarder à accoucher), cela va faire beaucoup de mal au moral du village.

L'homme au fusil vient d’être mis hors d’état d’agression. Autour de lui des hommes se dépêchent de l'évacuer alors qu’il est inconscient, sûrement vers le QG.

La foule continue de sortir de l'arène, mais de manière plus coordonnée. Tous sont comme moi, les yeux rivés sur les trois corps.

Soudain, je vois une femme sortir de la foule et courir rejoindre la femme enceinte.

Elle crie quelque chose soudainement en tombant à genoux près de la femme. La phrase met du temps à atteindre mon cerveau, mais quand elle y arrive, un déclic se fait en moi, me libérant de mon état de stupeur.

—Elle est encore vivante ! Elle est pas morte ! Elle est pas morte !

Presque tout le monde est hors de l’arène maintenant, et les derniers gardes qui étaient autour du chef tout à l’heure crient eux-aussi pour faire sortir la foule, ne laissant aucune possibilité aux gens d’entendre ce que la femme répète comme une litanie depuis plusieurs dizaines de secondes.

Alors comme une automate, je me précipite hors du ring et cours dans les escaliers malgré ma jambe qui me lance, pour rejoindre les deux femmes.

Je me jette à genoux, et la femme me jette un coup d’œil étonné, avant de tourner ses yeux vers ma main droite. Je remarque alors que je n’ai toujours pas lâché mon dirk.

Comme s’il m’avait soudainement brûlé, je le jette loin de nous, et me retourne vers elle.

—Qu’est-ce que je dois faire ?

Elle se reconcentre immédiatement sur la femme à terre, qui est en train de gémir. Je me doute, au vu du sang qui s’écoule de son crâne, qu’elle n'est pas loin de la fin.

—Il faut sauver le bébé. Elle est à trente-huit semaines, le bébé n’aurait pas tardé de toute façon.

Elle pose ses mains sur son ventre, comme pour définir la position du bébé.

—Et… et elle ?

—Elle ne survivra pas. Que ce soit de la blessure ou de l’accouchement, si elle a encore assez de conscience pour le faire…

Elle se penche vers la femme tandis qu’elle sort un couteau de sa ceinture.

—Fernande ? Fernande ? Tu m’entends ?
La femme gémis de nouveau, sur un ton différent.

—Fernande, on va sortir le bébé. Il faut que tu tiennes le coup. Pour lui. Tu comprends ? On va devoir le sortir nous-mêmes parce que tu n’es pas en état. Ça va être difficile et douloureux pour toi, Fernande. Mais il faut le faire pour le bébé.

RefouléeWhere stories live. Discover now