XII. Embuscade

17 5 0
                                    

Durant les jours qui suivent, les comportements des membres du clan à mon égard changent énormément. Si la plupart me reconnaissent comme la “virtuose” et me considèrent désormais comme faisant partie du clan, d’autres me pointent du doigt comme si mon talent était une preuve de mon appartenance à la Ville, et donc que je resterai éternellement une ennemie du clan. Heureusement pour moi, les critiques sont restées verbales pour la plupart, sauf pour les autres aspirants qui durant nos entraînements ne se lassent pas de me faire des coups bas, pour tenter de me saboter et que je ne sois pas en état de participer à la cérémonie dans dix jours.

D’abord c’était les plus faibles, poussés par Elvin et Alfie, qui me faisaient des croche-pattes, ou qui remplaçaient l’eau de ma gourde avec de la pisse, ce qui n’était certes pas sympa mais pas non plus violent. Puis mes deux ennemis autoproclamés eux-mêmes s’en sont mêlés : dès que Fenreld a le dos tourné, ils se mettent à deux pour m'attaquer, et tenter de me blesser, ou bien font semblant de “foirer” leurs lancés de dagues qui foncent droit sur moi.

Jusqu'ici je n’ai été que égratignée et n’ai reçu que de faibles coups bien placés pour que les bleus s’effacent vite et ne soient pas visibles, cachés par mes vêtements. Mais ce matin, je ne sais pas ce qui leur arrive, ils sont déchaînés.

Pour je ne sais quelle raison, le maître d'armes s’est absenté ce matin après nous avoir donné quelques consignes, ce qui me laisse seule dans une salle remplie d’armes, avec une trentaine de jeunes qui ne me veulent pas vraiment du bien. J’ai commencé par m’échauffer dans mon coin en faisant du gainage et des pompes, et je suis bien la seule qui me tient aux injonctions de Fenreld qui nous engueule à chaque fois qu’on commence à se battre sans avoir le sang et les muscles chauds.

Du coin de l'œil je vous qu’Elvin passe de groupe en groupe en me jetant de fréquents coups d’œil malveillants. Puis lorsque je finis une énième série d'abdos, il s’approche de moi, les bras croisés sur sa poitrine, et me regarde de haut avec arrogance.

—Dis-moi la refoulée, pourquoi tu tiens tant à t'entraîner alors qu'on sait tous que tu vas finir dernière du classement dans dix jours ?

—Rien ne dit que je serai dernière, au contraire, je vous bats pratiquement tous dans la plupart des catégories de combats.

Je me relève en faisant attention à ne pas rester hors de portée d’une porte de sortie, car maintenant les aspirants viennent se placer un à un aux côtés d’Elvin, faisant bloc face à moi.

—Mais est-ce que tu sais que les guerriers choisissent eux-mêmes qui les rejoindront, et que vu ton comportement de vantarde, personne ne voudra de toi ?

Je me déplace sur ma gauche sans le lâcher du regard (chose difficile puisque je ne peux pas me diriger par l'ouïe non plus au cas où il y ait quelqu'un sur le côté) afin d’atteindre le présentoir le plus proche où se trouvent des coutelas à doubles lames.

—Et bien oui, figure-toi que oui, je le savais. Mon comportement de “vantarde” comme tu dis n’as pas fait fuir tout le monde puisque j’ai des amies qui m’ont assuré qu'elles me nommeraient pour figurer parmi les aspirants promus guerriers.

Un éclair de colère traverse ses yeux tandis que je pose enfin la main avec soulagement sur le manche d’un coutelas.

—Personne ne voudra de toi, crois-moi, une fois qu’on en aura fini avec toi.
À ce moment, je remarque qu’Alfie n’est pas à ses côtés, ce qui ne peut rien présager de bon.

Alors je ne me laisse pas le temps de me perdre en conjecture, et je me tourne pour foncer à toute vitesse vers la seule et unique porte de la pièce. Je l'ouvre et m'engouffre dans le couloir au même moment où Alfie revient de je ne sais où dans le bâtiment, une épée à la main.

RefouléeWhere stories live. Discover now