XXI. Duel

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Fenreld est en train de me noyer sous un nombre de conseils que je ne parviens pas à intégrer. Mon cerveau ne réfléchit plus. Depuis quinze minutes que j’ai accepté le duel contre Killian, je n’arrive plus à imaginer une autre fin que celle où je perds.

Je sais que j’ai moins de chance que lui de gagner. Et malgré le fait que je ne sois jamais partie défaitiste de ma vie, là je n’arrive pas à me sortir de la tête l’idée que la fin de ma vie va arriver. Je ne sais pas pourquoi aujourd'hui, alors que j’ai déjà eu d’autres combats contre des guerriers surentraînés, que j’ai gagnés à chaque fois.

Comme si je prenais soudainement conscience du danger qui me guette.
Jusqu’ici mon avenir dans le clan ne me semblait pas trop inquiété. Mais là… Là je n’ai pas le choix.

Littéralement.

Je ne peux pas perdre.

Parce que si je perds, je ne perds pas seulement mon avenir au sein du clan, je perds mon avenir tout court.

Le bannissement n’est pas seulement une mort sociale, puisque les gens nous considèrent à présent comme des traîtres, mais également une mort physique, car je sais très bien que pour survivre hors d’un clan de l’autre côté du Mur est impossible. J’ai écouté le témoignage de quelques anciens du village, les corps sont retrouvés au bout de quelques jours, souvent moins d’une semaine, défigurés par les bêtes sauvages qui arpentent la forêt la nuit.

Même si je pense qu’il y a une part de légende, car ces bêtes, certaines qualifiées parfois de monstres lorsque les anciens racontent des histoires aux jeunes, personne ne les a vraiment jamais vues. Mais je n’ai tout de même pas envie de me retrouver face à elles, d’autant plus que j’ai beau avoir étudié les maquettes du bureau de Cheldan de fond en comble, je ne suis jamais allée réellement sur le terrain.

Donc seule, sans ressources, je crois, non, je sais, que je ne survivrai pas bien longtemps hors des palissades du village.
Kay franchit la barrière humaine formée par une dizaine d’hommes qui m’entoure pour me permettre de le concentrer avant le combat, et je peux voir qu’il est plutôt inquiet.

—Norri, sache que je te soutiens, mais je préfère te savoir vivante et en mauvaise posture hors du village, que morte sur le sol du ring.

—C’est sympa de voir que tu crois en moi, Kay…

Il grimace puis me prend par les épaules.

—Bien sûr que si ! Mais je te dis juste qu’on se débrouillera si tu perds. Arrête-toi au premier sang comme pour n’importe quel duel, et ne va pas jusqu'à la victoire par la mort !

Je hoche la tête, même si je ne suis pas sûre de suivre son conseil. Non pas que je préfère me battre jusqu'à mort si ça me donne une seconde chance si jamais je saigne la première ; mais parce que je ne sais tout simplement pas quoi penser de ça. Est-ce que c’est mieux de perdre ou de mourir ? Sachant que perdre équivaut à une mort sociale ?

Je ne sais pas.

Je ne suis même pas sûre que je saurais quand je serai dans le combat…

—Bon, Norris, si je suis venu c'est aussi parce que tu dois choisir l’arme du combat. Et tu n'as pas beaucoup de temps pour te décider. Alors réfléchis bien.

Je me tourne pour demander silencieusement l’avis de Fenreld. Il est maître d'armes et il a analysé presque tous mes combats. Il sait également comment se bat Killian. Alors il est clairement celui qui me donnera le meilleur conseil.

Il m’étudie quelques secondes avant de prendre la parole.

—Il te faut une arme qui soit assez légère pour que tu ne sois pas handicapée par son poids, mais pas non plus une arme de poing trop courte car cela reviendrait à faire du corps à corps, où tu perdrais à coup sûr. Non, il te faut une dague… Je pense que le dirk te conviendra bien.

RefouléeWhere stories live. Discover now