XXVIII. J - 1

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Je me réveille sous les caresses de Cheldan, dont les doigts tracent lentement des arabesques sur mon dos dénudé. Je me prélasse ainsi plusieurs minutes, profitant d'un de ces rares moments de détente que je peux m'accorder dans cette période de stress intense.

L'entraînement du matin est différent de d'habitude, puisque Fenreld nous ordonne de courir autour du village jusqu'à épuisement. Je ne sais pas si c'est une bonne idée de fatiguer autant à la veille de la première épreuve de la Cérémonie de Passage, mais je ne discute pas les ordres (et puis de toute façon je sais bien que c'est moi qui vais tenir le mieux la course). Je fais néanmoins attention à ne pas paraître trop à l'aise durant la course, car je ne voudrais pas que les autres apprentis me voient comme un danger à éliminer pendant les épreuves.

Pendant que nous courons à quelques mètres de l'enceinte du village, au milieu de la zone déboisée qui l'entoure, certains d'entre-nous se mettent à parler et à supposer ce qui va nous attendre dans les prochains jours.

—On va forcément avoir une épreuve de nuit, il y a ça chaque année.

—Ouais, mais apparemment c'est assez facile, parce que les juges regardent notre abilité à nous mouvoir en étant privé d'un de nos sens, pas à nous battre dans le noir.

—Ah ouais ? Et qui c'est qui t'a dit ça ?

—Mon frère qui est devenu guerrier il y a trois ans. Alors si tu veux aller te fritter avec lui, dis-moi, et continue de me traiter de menteur.

—C'est pas ce que j'ai dit, j'ai juste dit que c'était peut-être différent pour une fois...

Je lève les yeux au ciel devant cette dispute puérile et inintéressante, et accélère légèrement la cadence pour rejoindre d'autres apprentis un peu plus loin. Mais au moins, j'ai appris quelque chose que j'ignorais jusqu'ici. Une des épreuves va se passer de nuit, mais personne ne sait à quoi elle va correspondre.

L'autre groupe de jeunes que je rejoins discute également de la Cérémonie de Passage, mais pas exactement des épreuves.

—Je te dis, dès que je deviens guerrier, je vais me taper les filles les plus chaudes du village !

—Te prends pas pour n'importe qui, Léon, t'auras toujours ta tête de débile, et les filles, ça m'étonnerait qu'elles acceptent de coucher avec toi, même contre le double de leur tarif !

—C'est pas ma tête qui la fera venir me sucer, mais ma paye de guerrier qui va lui faire envie !

—Je te rappelle, au cas où ta petite tête l'aurait oublié, que la paye, tu la reçois à la fin du mois, pas au début, alors tu vas être fauché comme aujourd'hui pendant un mois !

—Ouais, mais ma mère travaille à la banque du clan, je suis sûr qu'elle pourra m'avancer quelques sous.

L'autre gars renifle dédaigneusement, et je tends l'oreille pour entendre la suite de ce qu'ils se disent.

—Fais gaffe, parce que si tu te fais prendre, tu risques d'être recalé, et de devoir t'occuper de ramasser des légumes ou de t'occuper des cochons pendant le reste de ta vie... Depuis que Cheldan est au pouvoir, on ne rigole plus avec les lois...

—T'inquiète... Et puis ce n'est pas tant le chef qui me fait peur, mais plutôt sa pute qui nous espionne pour son compte depuis qu'elle est devenue apprentie.

Je retiens une exclamation de choc, et espère qu'ils vont parler un peu plus sur moi tout en ne me voyant pas derrière eux, car j'ai soudainement effectivement très envie de rapporter tout ce qu'ils viennent de dire à Cheldan. Malheureusement pour moi, ils se lancent un regard de connivence qui montre qu'ils sont d'accord sur cette dernière affirmation, puis ils se taisent et se concentrent sur leur respiration pour courir et rattraper le groupe de devant qui commence à les semer.

RefouléeWhere stories live. Discover now