Chapitre 6 « Touchée, ma jolie. »

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Rogers

Le soleil se lève timidement et je suis déjà sur le pont à croiser le fer avec Jackson. Le grand blond, toujours doté de son tricorne beige et d'un foulard aussi bleu que ses yeux, n'est pas seulement mon quartier-maître, c'est aussi mon plus vieil ami et mon confident.

— Monte ta garde capitaine ! Protège ton visage. Tu dois être moins impulsif. Le combat passe aussi par la tête.

Je le sais bien, mais mon tempérament fougueux et mon impatience prennent le dessus. Je veux avancer trop vite et foncer sur ma cible avec détermination sauf qu'il a raison ; ça peut me tuer et il serait dommage de mourir avant d'avoir eu ma vengeance.

Je m'approche, me décale sur le côté et percute mon crâne contre le sien tout en esquissant un rire.

— Comme ça Jack ?

L'homme se marre aussi et me pousse en me traitant de « poulpe séché ». Alors que nous rions tous les deux et que nous reprenons nos positions initiales, une voix féminine nous interrompt :

— Capitaine Rogers !

La princesse, dans sa robe bouffante et sertie d'émeraude, a les bras croisés sur sa poitrine. Elle me fixe. Je jette un regard sévère à Crocus qui était censé surveiller la princesse et faire en sorte qu'elle ne sorte pas de la cabine. Les épaules courbées, il recule et se cache derrière un poteau.

À peine plus courageux qu'un poisson-lune.

— Je vous provoque en duel ! reprend Léonore, la voix légèrement tremblante.

L'équipage éclate dans un rire franc pendant que j'avance avec douceur vers la jeune femme. L'audacieuse me défi, mais je doute qu'elle soit prête à y laisser sa vie.

— Êtes-vous prête à mourir ?

Je pose la lame de mon épée entre sa poitrine gonflée qui remonte et redescend à chaque profonde inspiration. L'humidité de l'air ambiant dépose des gouttelettes sur sa peau porcelaine. Impossible de détacher mes yeux de cette parcelle de peau nue qui m'obsède.

Ressaisis-toi !

Je lutte, m'interdis de rester focaliser sur la parfaite rondeur de ses seins et relève mes yeux en direction des siens. Ancré dans ses iris, une détermination sans faille brille.

— C'est à vous qu'il convient de poser la question, pirate !

Un deuxième éclat de rire émane de mes compagnons de bord.

Oui, ils sont là pour admirer la scène.

— Trésor, si par un quelconque miracle, vous parvenez à transpercer mon cœur, je crains que votre présence sur ce navire ne soit de courte durée.

Aucun de mes matelots n'accepterait qu'elle me blesse et je sais ce qu'ils lui feront subir si ça venait à arriver.

Je m'avance d'un pas, l'extrémité de ma lame s'enfonce avec délicatesse dans la peau de Léonore. Une goutte de sang perle dans son décolleté.

Je pourrais lécher ce sang...

Immobile, elle est toujours portée par une rage ardente. Une colère que je connais.

— Voyez-vous, les hommes ici présents, se tiennent bien seulement, et je dis bien seulement, parce que je leur ai demandé de ne pas vous toucher. Vous êtes donc, sous ma protection !

Ses yeux se perdent dans la foule où les pirates miment des menaces à son égard : étranglement, tranchage de gorge, mains baladeuses.

— Sauf si j'inclus ma protection dans mes doléances, reprend-elle, pas le moins du monde paniquée. Vous aviez bien dit que les pirates avaient un code d'honneur, n'est-ce pas ? J'imagine que celui-ci inclut le respect des accords passés entre les deux parties.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant