Chapitre 21. «Désirez-vous un baiser en guise de remerciement ? »

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Rogers.

Je suis le premier à poser mon pied sur l'île de Cabaïna. J'ai enfin l'impression de vraiment respirer, de reprendre mon souffle, de vivre.

Léonore est enchaînée à son frère derrière moi, mais elle ne lui adresse pas la parole. Son visage est triste et cerné. Quatre jours passés dans une cellule humide, à peine éclairée, sans le moindre confort pour les nuits, n'ont pas favorisé un teint éclatant. Mais elle a fait son choix, je n'ai rien imposé, et elle doit en assumer les conséquences.

— Princesse, vous venez chez moi et pour le Commodore, nous allons l'emmener dans la prison de l'île.

Je détache les liens qui la retiennent encore à son frère.

— Pourquoi ne vient-il pas avec nous ? demande Léonore d'une voix empreinte de panique.

— Arrêtez de discuter mes ordres, princesse.

Crocus et Stanley agrippent fermement le bras du prince Édouard pour éviter toute tentative de sa part. Léonore reste à leurs côtés, se déplaçant maladroitement avec une robe bien trop longue. À plusieurs reprises, elle s'accroche aux branches des arbres de la forêt que nous traversons. Puis, soudain, elle chute en avant, et des larmes commencent à envahir ses joues. L'épuisement de la prison transparaît sur son visage. Cependant, je sais que chez moi, elle pourra retrouver tout le confort nécessaire pour reprendre des forces.

Léonore se relève tant bien que mal, puis elle se met à hurler et à sautiller. Intrigué, je me retourne et découvre qu'elle se tient la jambe en criant :

— Un serpent m'a mordue !

Je m'élance vers elle, m'agenouille et prends sa jambe en main. En relevant son jupon, je constate avec désarroi que la vile créature a planté ses crocs dans la chair délicate de la princesse. Son frère réclame d'être libéré de ses chaînes pour s'occuper de sa sœur, mais je refuse de lui accorder une mobilité complète.

Je me penche, approche la jambe de la princesse de ma bouche et presse mes lèvres contre sa peau. Je suce le venin, crache dans l'herbe, puis répète le processus environ cinq fois, m'assurant d'extraire un maximum de toxicité.

Léonore ne succombera pas, mais une légère dose de venin demeurera dans ses veines et elle risque de ne pas être au mieux de sa forme pendant quelques heures.

Cependant, à ma grande surprise, elle éclate de rire.

— Ahoy, pirate! Vous êtes mon sauveur.

Tous demeurent stupéfaits alors qu'elle poursuit dans son délire :

— Désirez-vous un baiser en guise de remerciement ?

Un baiser ?

J'ai conscience qu'elle n'est pas dans son état normal, que la morsure agit sur ses mots, sa façon de penser. Son frère, les yeux écarquillés intervient:

— Léonore, te rends-tu compte de ce que tu viens de proposer ?

Elle lui offre un sourire espiègle :

— Mais bien sûr, cher frère. Ce charmant pirate m'a sauvée, il mérite une récompense !

Les hommes échangent des regards incertains, une mélange entre inquiétude et amusement.

Mais alors qu'elle allait se lancer dans une nouvelle boutade, elle s'effondre. Je retiens sa tête de justesse avant qu'elle ne heurte le sol. Mes bras glissent sous le corps délicat de Léonore, la hisse contre ma poitrine. Rory se joint à moi, passe les bras de la princesse autour de mon cou pour une prise plus stable. Elle émet un grognement, se blottit davantage pour profiter de ma chaleur. Pendant ce temps, je sens quelque chose en moi fondre.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant