Chapitre 22 « À Rogers ! »

213 38 86
                                    

Léonore.

Anne dépose devant moi une chope de bière et trinque avec la sienne. Elle s'installe face à moi et boit une première gorgée.

— Nous avons eu de la chance que le capitaine ne nous ait pas renvoyées à la maison, soupire-t-elle rassurée.

Puis, elle se met à rire et arrose une nouvelle fois son gosier. Elle a raison. Il aurait pu être en colère. Je me suis réveillée au sursaut, couverte de sueur avec, à côté de moi, la douce présence de la pirate. Elle m'a apporté une soupe de poireaux et m'a également proposé de me faire chauffer un peu d'eau pour me rincer le corps.

Sa douceur et sa bienveillance m'ont fait beaucoup de bien. Quand je lui ai demandé s'il était possible d'aller rendre visite à mon frère, elle a simplement accepté, me prévenant que les villageois ne devaient pas me reconnaître : une évidence, vu qu'ils détestent tous mon père. Alors je me suis habillée avec des vêtements locaux et nous avons choisi un chemin différent de celui du centre du village. Mais une vieille femme nous a aperçues et nous a proposé de nous joindre à la fête. Nous avons d'abord refusé, mais elle a balayé toutes nos excuses d'un revers de main et nous n'avons pas eu d'autre choix que de la suivre.

Une fois sur place, on m'a offert un verre de vin alors que je cherchais Rogers du regard. Il était là, à conter son aventure, agrémentant le tout de plus d'action et cachant quelques détails me concernant. Les villageois avaient une joie immense à l'écouter. Leurs yeux pétillaient, leur attention était toute dirigée vers ce pirate charismatique. Puis il a parlé de moi, du fait que je n'étais jamais satisfaite – normal quand on vous enlève, non ?

Je n'ai pas pu me retenir, je suis allée le confronter et quand j'ai fui après sa demande, quand son torse s'est collé à mon dos, quand sa bouche a frôlé mon oreille, c'est mon corps qui s'est embrasé. Le venin du serpent, toujours présent dans mes veines, a momentanément altéré mon équilibre. Oui, ça doit être ça...

Anne discute avec nos voisins de table et, bon public, rigole à ses propres plaisanteries pendant que mes yeux sont fixés sur le capitaine, en bonne compagnie.

La jeune femme aux cheveux roux boit dans sa bière, explose d'un rire faux tout en touchant son épaule. D'ailleurs, je n'ai pas demandé des nouvelles de la blessure que je lui ai infligée sur le navire. Puis elle tend sa main vers lui en pointant la place : elle l'invite à danser.

D'un bond, je me lève, à peine consciente des interrogations d'Anne sur ma destination, et me retrouve rapidement devant le capitaine. Je prends une grande inspiration et bafouille quelques mots.

— La... la proposition de danse est-elle toujours effective ?

Je ne porte aucune attention à la femme qui s'entretenait avec lui. Je le fixe et entends un raclement de gorge assez insistant.

— Elle l'est. Intéressée ?

— Rogers ! Je t'ai demandé avant, râle son amie.

— C'est le cas, enchainé-je sans me préoccuper de la fille.

L'homme aux cheveux noirs se hisse sur ses jambes et saisit ma main, me faisant tourner sur moi même tout en nous dirigeant au milieu des danseurs. La musique s'adoucit dès que nous entrons en piste. Rogers s'incline devant moi, une main dans son dos, la seconde se pose contre ma paume. Nous sommes légèrement décalés et c'est ainsi que nous entamons notre danse, les yeux dans les yeux.

— Changement de main, m'informe-t-il un peu plus tard.

Je m'exécute maladroitement. Autour de nous, tous font les mêmes pas. Deux tours plus tard, ses doigts glissent autour de mes hanches, l'autre main se positionne délicatement sur mes reins, et il rapproche nos corps. Ma poitrine rencontre son torse, son souffle chaud caresse ma tempe.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant