Chapitre 34. «Que fais-tu là, Alexander ?»

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Léonore.

Les parfums d'encens flottent dans l'air. Mes yeux, eux, se posent sur le cercueil dans lequel repose mon père.

La lumière filtrée au travers des vitraux fabrique des faisceaux colorés dans lesquelles dansent la poussière. Les prêtres récitent des prières qui s'élèvent dans l'église. Les fidèles, agenouillés se recueillent en silence.

Mon regard parcourt l'assemblée, bien que chaque visage me soit familier, aucun d'entre eux ne parvient à insuffler en moi le sentiment d'être chez moi : il manque quelqu'un. Ses traits se dessinent dans mes pensées, un contrepoint à la noirceur du deuil. Rogers me manque terriblement et c'est à lui que je pense, c'est lui que je regrette et que je pleure.

Les chants célestes résonnent dans l'église jusqu'au plafond arrondi. Marie prend ma main droite, Édouard la gauche, scellant ainsi notre unité dans une dernière prière commune.

À la fin de la cérémonie, nous sommes invités à sortir pour nous rendre dans l'enceinte sacrée de la basilique, atteignable par l'extérieur.

Debout, dans le froid automnal, une silhouette émerge dans la brume, les mains enfoncées dans les poches de son manteau. Les boucles blondes de ses cheveux dansent au gré du vent et je le reconnais immédiatement : Alexander.

J'amorce un pas en avant, deux, puis cours pour le rejoindre. Une longue étreinte s'ensuit. Édouard, Marie et Théodore arrivent à leur tour : la famille est réunie.

— Merci d'être tout de même venu, s'exclame Édouard en lui offrant un tape sur son épaule.

Alexander nous gratifie d'un regard rassurant et nous suivons le cortège funèbre en direction du tombeau. Tout le long, Théodore fixe notre frère avec colère. Il reste néanmoins silencieux, probablement pour ne pas faire d'esclandre.

Le prêtre asperge le cercueil d'eau bénite tout en récitant une prière. Nous nous joignons à lui, le cœur lourd.

Le cercueil est délicatement descendu dans le sol puis, chacun de nous s'approche pour y jeter une rose, accompagnée d'une prière ou d'une ultime pensée. C'est à moi de passer la première. À genoux, les yeux clos, je lui accorde mon pardon, malgré les épreuves qu'il a infligées à notre peuple.

Il est temps pour Sainte-Luce de connaître un changement et je nourris secrètement l'espoir que mon frère, Alexander, sera un souverain plus bienveillant.

Lorsque les proches de père sont passés, tous ont repris le chemin de leur demeure, en laissant derrière eux, les enfants du roi entourés par leur gardes.

Le silence règne, jusqu'à ce que Théodore le brise avec amertume.

— Que fais-tu là, Alexander ? Tu as décidé de faire tout le voyage pour revendiquer le trône ? Pas de chance pour toi, père t'a déshérité de son vivant.

Nos yeux convergent vers le plus jeune frère dont le regard brûle de haine.

— Tu n'es même pas venu faire tes adieux à Henry, continu-t-il.

Il lâche la main de Marie et saute au cou d'Alexander. Les deux hommes sont projetés au sol et les coups pleuvent. Édouard tente de s'interposer, de libérer Alexander de l'étreinte puissante de Théo qui frappe sans relâche. Marie reste immobile, les yeux humides, observant le spectacle qui se joue devant nos yeux.

Quant à moi, je fais mine de m'évanouir, prétextant trop d'émotions. Mais une fois au sol, je remarque qu'aucun de mes frères n'a accouru à mon secours. Seule ma sœur se penche vers moi pour me demander si je vais bien.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant