BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]

Chapitre 43. « Vous êtes une princesse... »

Rogers

Les dernières heures m'ont épuisé autant physiquement que moralement, mais enfin, Anne a eu sa vengeance malgré la perte de plusieurs de nos compagnons.

Quelqu'un tape deux coups à la porte, j'imagine que c'est Jack. Lorsque j'autorise la personne à entrer, je découvre, une chevelure blonde, mais pas celle attendue. La princesse claque la porte avant de poser son dos contre celle-ci.

— Comment ça, on me dépose à Sainte-Luce ?

La mâchoire contracté, je fais mine de continuer de regarder ma carte tout simplement car ne suis incapable de soutenir son regard.

— Je l'apprends de la bouche d'un autre ! Depuis que je suis à bord de votre navire, vous n'avez pas daigné m'accorder d'importance ! C'est comme si ... comme si je ne vous avais pas manqué.

Sa voix se brise dans un sanglot, mais je reste concentré à ma tâche malgré le pincement au cœur qui m'étreint. Un seul instant de faiblesse et tout ça, tout ce que je fais pour elle, risque de s'effondrer.

Elle s'est mise en danger.
Pour moi.
Pour me retrouver.
Et je ne peux accepter cela. Léonore doit vivre. Et être avec moi, ne signifie pas « vivre », mais plutôt attendre l'heure de notre décès.

— Vous faites preuve de tant d'égoïsme, trésor. Des hommes sont morts pour vous... juste parce que vous êtes perdue dans l'illusion de l'amour que vous croyez avoir pour moi.

Détestez-moi pour que nos adieux soient moins déchirants. C'est mon souhait, ma seule façon de rendre ce départ plus supportable.

— Vous vous êtes lourdement méprise sur mes intentions envers vous, princesse de Saint-Germain, continué-je.

Hurlez-moi dessus, criez que je ne suis qu'un monstre sans cœur.

J'évite son regard, mais son parfum, riche et entêtant, imprègne tout l'espace autour de moi. Je ferme les yeux un instant pour me perdre dans cette essence familière avant de poursuivre avec brutalité :

— Je ne suis pas un noble qui vous demanderait votre main après avoir pris votre vertu. Je suis un pirate, un hors-la-loi, un forban et un assassin. Je voulais me venger de votre père et quel meilleur moyen de le faire que de vous enlever ce que vous chérissiez le plus ?

Rentrez chez vous. Retournez dans le confort de votre palais et laissez-moi vous oublier.

Je tente de la protéger même si cela signifie la déchirer. L'amour que j'ai pour elle est trop fort, elle mérite une vie de splendeur, pas ce monde d'ombres et de batailles.

Nora se met à rire, ce qui me coupe dans mon élan. Énervé, je me lève d'un bond et plaque mes paumes contre la carte faisant couler, par la même occasion, l'encre noir de mon encrié.

— Vous êtes aussi un piètre menteur, capitaine.

Elle avance un peu plus, appuie ses mains sur la table, se penche vers moi avec détermination. Ses yeux bleus me fixent, fissurent petit à petit la motivation que je me suis construite.

Un amour né de la vengeance n'est pas un amour pur.

Peut-être qu'elle n'est pas réellement amoureuse de moi, mais de la liberté que j'incarne, du contraste saisissant entre l'image d'une Nora guerrière et celle d'une princesse confinée dans un palais doré.

Je suis angoissé par l'idée que cette vie sur une île, pleine de difficultés – devoir se battre pour manger, cultiver ses propres légumes, vivre chaque jour aux côtés de l'homme qui a tué son père – pourrait ne pas lui convenir. Et si, un jour, elle se lassait de cette existence rudimentaire et décidait de me quitter ? Comment pourrais-je supporter le poids de sa décision ?