Chapitre 16 « La princesse s'est volatilisée. »

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Rogers.

Je trinque avec mon voisin et fais disparaître – d'ailleurs, où est Jack ? – le breuvage d'un trait avant de quitter la taverne pour rejoindre le navire rempli de provisions. Les marins finalisent le chargement des dernières caisses dans le BloodThorn lorsqu'Anne, accompagnée par mon quartier maître, se dirigent vers moi, leur visage crispé.

— Ca...capitaine, lance-t-elle bégayante.

Elle s'approche et chuchote, les yeux rivés vers ses pieds.

— Julian, la princesse s'est volatilisée. Je t'ai cherché partout pour te prévenir.

Je sursaute, fronce les sourcils, lance un regard fébrile aux alentour et tonne :

— Diable, Anne ! Ne t'ai-je pas dit de la garder à l'œil ?

— Si, mais...

— Il n'y a pas de mais, la coupé-je. Je t'ai fait confiance et je n'aurais pas dû. Et toi Jackson, où étais-tu bon sang ?

Je n'attends pas de réponse et file immédiatement sur le pont pour ordonner aux matelots d'entamer des recherches.

— Les amis ! La princesse a pris la poudre d'escampette. Je veux que chaque recoin de ce navire et de cette foutue île soient inspectés. Pas une pierre ne doit être laissée au hasard, est-ce clair ?

— Oui, capitaine! lancent-ils d'une seule et même voix.

— Séparez-vous en équipes, fouillez les autres navires du port, les alentours et interrogez les habitants. Allez, en action !

Mon équipage se disperse dans un silence de mort. Le vent siffle, les voiles s'affolent : nous devons la retrouver au plus vite.

Jack, Rupert et Crocus viennent à moi et nous nous rendons sur le marché : là où la princesse a été vue pour la dernière fois.

Des questions m'assaillent à propos de sa disparition. Pourquoi risquerait-elle une fuite ici, au milieu de cette île grouillant de pirates et d'âmes peu scrupuleuses ? Aurait-elle tenté de se cacher sur un navire voisin ? Peu probable. Bien qu'impulsive, elle n'est pas sotte. Elle comprend les risques pour sa réputation et nul ici ne lui aurait inspiré assez confiance pour l'attirer à bord. En plus, Anne et elle semblaient bien s'entendre, alors pourquoi ?

Mes craintes s'amplifient, la peur explose dans mes entrailles : et si la princesse était tombée entre les griffes d'un truand ? Peut-être est-elle retenue, terrifiée quelque part sur cette île ?

Par les cornes du diable, non !

Trois étals, trois versions concordantes. Lorsque je parle d'une jeune femme blonde, d'une vingtaine d'années, se mouvant avec l'assurance d'une noble – une peau parfaitement douce, un teint porcelaine, des joues rosées témoignant d'une santé florissante, un nez fin et délicat, l'éclat de ses yeux, un bleu pénétrant semblable à l'étendue des mers... – quand je dis qu'elle arbore une tenue singulière, un pantalon beige et une chemise blanche en accord avec son corset noir – soulignant une silhouette à la fois élégante et audacieuse – tous me répondent qu'ils l'ont aperçue au bras d'une belle brunette : Anne.

Tous sauf un.

— Vous savez, j'ai vu votre petite dame, mais pas avec une belle brune, oh ça non! On m'a même donné quelques pièces d'or pour mon silence. Mais si vous m'en donnez le double, je pourrai délier ma langue.

Je me retourne et me voilà nez-à-nez avec un lascar, affublé d'une allure crottée, courbé et affichant une dentition jaunâtre et noire, à faire pâlir les barbiers-chirurgiens. Il tend sa main, les yeux pleins d'attentes pour recevoir sa part d'or, mais j'ai ni le temps, ni l'envie d'être accommodant.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant