Chapitre 13 « Vous feriez une excellente pirate. »

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Léonore

Trois jours se sont égrenés sur le navire et l'ennui me guette. J'ai alors décidé de chercher comment je pourrais occuper mon temps, mais il s'avère que je ne brille dans aucun domaine. Faire des nœuds ? Je les entremêle tous, c'est ma spécialité, malgré les explications de Crocus. Laver le sol ? Si la définition d'un travail bien fait inclut le fait de transformer le pont en piste de danse glissante, alors mission accomplie haut la main. J'ai même osé proposer de m'occuper du repas pour ce soir avec le chef Bartholomé – une petite fête s'impose pour l'anniversaire d'Anne –, mais je n'ai pas réussi à attraper une seule poule. J'ai au moins fait rire Porcin, l'homme qui s'occupe des animaux sur le navire. Non seulement je suis rentrée bredouille, mais, en prime, je me suis retrouvée couverte de plumes et engluée de blancs d'œufs.

— Je crois que vous pourriez vous rendre utile pour quelque chose, princesse, annonce une voix féminine dans mon dos.

Je me retourne, malheureusement dépitée. La jeune femme me gratifie d'un sourire compatissant et me tend un tissu pour m'essuyer.

— Vous pouvez m'appeler Léonore, s'il vous plaît.

La brune opine avant de me proposer de la suivre dans le cellier.

— Nous sommes à court de savon, je compte en fabriquer, explique-t-elle.

— Vous êtes probablement la seule à vous soucier de cela, dis-je en esquissant un sourire.

— Pas tout à fait. Le capitaine accorde une grande importance à l'hygiène pour éviter les maladies. Les pirates peuvent ne pas prendre autant de bains que vous, Léonore, mais ils tiennent tout de même à une toilette rapide, assure-t-elle. Rogers ne tolère pas vivre sur un navire sale et crasseux.

En effet, le pirate arbore toujours une allure soignée. Ses habits sont renouvelés, son haleine boisée et épicée semble provenir de la mastication d'un bâton assez curieux et un parfum de cèdre enrobe sa peau. En revanche, à LoneWave, certains pirates dégageaient des effluves si persistantes que cela laissait peu de doutes quant à leur manque d'hygiène.

— Prenez ça !

La pirate me tend un bocal renfermant une substance laiteuse mais épaisse, puis saisit plusieurs flacons et me demande de monter à la cuisine pour disposer le tout sur la table. Elle s'empare d'une casserole pendant que je l'observe attentivement, soucieuse de réussir la prochaine tâche.

— Choisissez les fragrances qui vous plaisent le plus, princesse.

J'ouvre les pots, hume leur contenu les yeux fermés afin d'imprégner mes sens des parfums qu'ils renferment. Mon choix se porte sur le même petit bâton que possède le capitaine.

— Qu'est-ce donc ?

Anne me rejoint les yeux fixés sur ce que je tiens entre mes doigts.

— De la cannelle, originaire de l'île de Ceilão. Sentez... Si cela vous plaît, nous pouvons la moudre pour en faire de la poudre et l'ajouter à la graisse.

J'acquiesce et me prends à imaginer cette odeur sur ma peau. Je sais pertinemment qu'elle me rappellera le pirate, mais est-ce une bonne chose ?

— Quels seraient vos choix ? m'enquiers-je.

— Hum... laissez-moi voir, réfléchit-elle. De l'écorce d'orange vous conviendrait parfaitement, ajoute-t-elle avec un sourire en coin, agrémentée d'une pointe de cannelle, bien sûr.

Elle se retourne. Un murmure s'échappe d'entre ses lèvres :

— Comme le capitaine.

Elle allume le feu, ajoute de la graisse dans le récipient et attend qu'elle fonde lentement sous l'intense chaleur. Pendant ce temps, je m'attèle à piler le bâton de cannelle tout en faisant la conversation.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant