BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]

Chapitre 20. «Oseriez-vous tricher, princesse ? »

Rogers.

Sammy, Ben et Shark nous ont quitté, lors de notre combat sur le Lys d'or, et déjà mes pensées s'égarent vers la manière dont nous devrons annoncer la funeste nouvelle à la femme de Ben, qui attend son retour sur Caïbana avec grande impatience. Jack termine d'attacher le corps de notre dernier compagnon sur une planche en bois, la mine triste.

Maudit soit le diable !

Cette journée a été d'une complexité déconcertante : la perte de plusieurs de mes hommes, puis l'assassinat du prince uniquement motivé par ses gestes déplacés envers Léonore, sans parler des reproches que celle-ci m'a balancés et qui ont eu l'effet d'un coup d'épée s'enfonçant dans ma poitrine déjà lézardée : profond, violent, douloureux.

— Capitaine, nous sommes prêts.

Stanley tapote sur mon épaule me faisant sortir de mes pensées. Je rejoins l'équipage et on me donne une torche que je place sur le premier corps après avoir fait le signe de croix sur son front et avoir prononcé une prière.

Au début, la flamme grignote lentement le tissu de ses vêtements, puis le corps s'embrase. Nous le poussons pour qu'il tombe dans l'eau et qu'il navigue là où Dieu guidera son âme.

C'est au tour du suivant, puis du dernier. Ce rituel symbolise le retour du pirate à la mer, là où il a vécu tant d'aventures.

Crocus m'a informé de la demande de la princesse de s'entretenir avec moi. Peut-être en a-t-elle enfin marre d'être dans une cellule désaffectée ? Peut-être que le confort d'une chambre lui manque ? Je sens néanmoins qu'elle va tenter de négocier quelque chose.

Je n'ai pas jugé utile de retourner la voir à la suite de notre dernière confrontation. Les paroles qu'elle a prononcées il y a deux jours résonnent toujours en moi, lorsqu'elle a laissé le fond de sa pensée s'exprimer. Bien que ma réponse ait été acerbe, je ne suis pas fier d'avoir lâché toutes ces vérités blessantes sur elle et sur sa condition.

Anne est allée lui rendre visite plusieurs fois, me servant ainsi secrètement d'informatrice quant à l'état de la princesse. De cette façon, j'ai su que Léonore et Édouard avaient eu un différend, mais impossible d'en apprendre davantage sur le sujet.

Léonore tape à la porte au moment précis où ma fine lame entre en collision avec la peau de mon visage.

— Asseyez-vous, princesse.

Je ne la regarde même pas. Seul mon reflet me fait face, pour éviter de nourrir cette petite flamme qu'elle fait naître dans mon cœur à chaque fois que j'admire trop longtemps ses traits.

Le bruit distinct de la lame qui gratte ma peau pour en retirer les poils, résonne dans la cabine feutrée du navire.

— Capitaine... souffle-t-elle.

Sa voix tremblante me déstabilise tellement que je me coupe. Je saisis le linge posé à côté et tapote l'entaille qui saigne.

— J'adorais raser mon plus grand frère, Alexander, avant qu'il ne quitte le palais.