Chapitre 15 «Rester trop longtemps en mer transforme...»

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Léonore.

Je me réveille dans la cabine à côté d'Anne, toujours endormie. Rogers ne surveille plus mes nuits. Il préfère passer les siennes avec son équipage dans une autre partie du navire, laissant à Anne la mission de veiller sur moi.

J'ai reçu l'ordre strict de ne plus toucher au rhum, mais l'envie m'a totalement déserté. Le souvenir récent d'une consommation excessive de cette boisson maudite n'est guère glorieux. Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai perdu le contrôle.

Un désir débordant m'a submergée et j'ai laissé le pirate s'approcher trop près, me toucher, embrasser ma nuque. Heureusement, cela n'est pas allé plus loin, mais ses mots m'ont percutée comme un seau de glace en plein visage. La honte m'a envahie. Elle persiste d'ailleurs. C'est cette honte qui m'empêche de croiser son regard depuis deux jours.

Ainsi, je me confine dans la cabine la plupart du temps, conversant avec Anne ou plongée dans mes livres, ceux qui étaient dans mon coffre et que les pirates ont pris soin d'emporter.

La brune s'étire et me regarde encore à moitié endormie

— Dites-moi que l'on va se balader sur le pont aujourd'hui. Je n'en peux plus d'être ici, Léonore, s'il vous plaît.

Ses yeux brillent de supplication alors qu'elle se redresse.

— Ne voulez-vous pas y aller seule ?

Mon yeux fixent le plafond.

— Je pourrais oui, mais je préfère marcher à vos côtés, insiste-t-elle.

Impossible de ne pas lui accorder cette faveur. Anne est restée avec moi à chaque instant. Néanmoins, une boule se forme dans mon estomac, l'idée de croiser Rogers me fait paniquer. Le navire n'est pas assez grand pour l'éviter, mais je peux dépasser cette gêne et faire comme si j'avais oublié tout ce qui s'est passé dans cette cabine.

Je me lève, m'habille en mâchant quelques feuilles de menthe et nous sortons à l'extérieur. La brume envahit le navire, donnant l'impression d'être dans les nuages. Un petit frisson parcourt mon corps, alors que je me réchauffe en frottant les bras.

Anne salue les pirates affairés à leurs tâches, tandis que je m'immobilise net en apercevant le capitaine riant aux éclats avec Jackson près du gouvernail. J'opère un demi-tour, quand j'entends la jeune femme adresser un bonjour à Rogers.

— Oy Ho, capitaine ! Jackson ...

Elle sourit et ses pommettes rougissent lorsqu'elle prononce le prénom du quartier maître. Les deux hommes inclinent la tête en ôtant leur tricorne respectifs.

— Bien dormi, Anne ? s'enquiert Rogers.

Elle hoche la tête puis, l'homme aux cheveux noirs se tourne vers moi.

— Princesse.

Mon cœur bat à tout rompre, ma gorge se noue. Répondre m'est impossible. La panique envahit chaque fibre de mon être. Alors que je m'apprête à fuir, Anne me retient d'une main ferme sur mon avant-bras.

— Est-ce que ça va ?

— Le mal de mer, dis-je trop précipitamment.

Le mal de mer.

Voilà des jours que je navigue sur ce vaisseau et ce n'est qu'aujourd'hui que j'en ressens les effets ? Mon excuse sonne creux, et je sais bien que tous ici en sont conscients.

— Je vous raccompagne à la cabine, Léonore.

Sur le chemin, elle s'approche et murmure à mon oreille d'un air malicieux :

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant