BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]

Chapitre 24. « A-t'on le droit de faire cela ? »

[TW : 🌶️​ ] <- Est-ce que cette fois c'est la bonne ? Ou est-ce que je joue encore avec vous ? 

Léonore.

Je n'ai pas réussi à dormir cette nuit, ou du moins, très peu. L'image de Rogers ne cesse de m'importuner et c'est pire quand on se trouve dans le noir à attendre que le sommeil nous enveloppe dans ses bras. Sauf que ce n'était pas les bras de Morphée que je désirais, mais ceux, solides, du pirate.

Je me suis levée et, en sortant de la chambre pour aller m'abreuver d'un peu d'eau fraîche, le journal du capitaine Morgan a attiré mon attention.

Un peu de lecture ne fait pas de mal, surtout pour découvrir de fabuleuses aventures. Les pages dévoilent des rencontres, des ennemis, des compagnons. Au fil de celles-ci, je l'ai vu grandir, avoir des enfants avec celle qu'il a aimée et qui l'a accompagné pour vivre sur Caïbana, en attendant son retour, tous les quarante-trois jours, mais qui est malheureusement décédée.

Ce matin, je m'immerge à nouveau entre ses lignes, m'enivre de chaque mot, devenant une simple spectatrice de toute son intimité, emportée par ce qu'il a soigneusement consigné ici.

Assise sur le rebord de la fenêtre, plongée dans les récits de Morgan, je me retrouve à un chapitre qui retient toute mon attention : le jour où il a sauvé un petit garçon de la noyade imposée par les soldats du roi.

« Je me vois en lui et au travers de ses yeux, je remarque le feu de la vengeance brûler dans ses pupilles, semblable à celui qui animait mon regard à peu près à son âge. Ce petit possède une détermination farouche et la force suffisante pour survivre sur les mers. Il a dû faire preuve d'un courage exceptionnel pour retenir suffisamment d'air et résister le plus longtemps possible sous l'eau, alors que les corps de nos compagnons de cellule se trouvaient en face de lui, mouvant au même rythme que le souffle de la mer Il m'a accordé sa confiance sans me connaître, à moi, un pirate. Aujourd'hui marque le jour de sa mort en tant qu'enfant de Sainte-Luce, mais c'est aussi sa naissance en tant que pirate. S'il souhaite se venger, il devra se forger un nouveau nom, quelque chose qui fera frémir les marins dans le futur. C'est pourquoi je lui ai suggéré de ne plus être Julian, mais... »

— Julian ?

Mon cœur manque un battement face à cette irréelle information. Je relis cette phrase deux fois, trois fois, peut-être même quatre, m'assurant de la véracité de ma découverte. Avant même de terminer ma lecture, je claque le livre et l'emporte avec moi. Où ? Je ne le sais, mais mes pas me guident à travers les couloirs. J'emprunte les escaliers, m'accroche à la rambarde pour ne pas chuter, vérifie chaque pièce, le salon, le bureau, la cuisine: aucune trace de personne. Toujours animée par l'impulsion de cette information, je sors dans le froid automnal, vêtue de ma simple robe orange offerte par Anne.

Il existe probablement plusieurs Julian à Sainte-Luce.

J'atteins le pont devant la maison et aperçois au loin, dans l'eau, une silhouette. Je contourne la demeure de bois, envahie par des rosiers grimpants, puis me lance dans une course effrénée à travers les hautes herbes. Mes pensées s'éparpillent et je commence à chercher les points communs avec celui que j'ai connu : ses cheveux noirs de jais, ses yeux verts et gris, sa façon particulière de me traiter, de prendre soin de moi tout en maintenant une certaine distance, le collier et la peine que j'ai décelée quand je l'ai repris.

Le collier...

Pourquoi ne m'a-t-il rien dit ? Mais, au fond, aurais-je vraiment cru en ses mots, ses explications ?

Les larmes stagnent à l'orée de mes yeux, alors que je poursuis ma progression pour le rejoindre. Une fois face à lui, quelle sera ma réaction ? C'est flou, mais une certitude émerge : je veux le confronter, lui poser des questions sur son identité. Et s'il s'agit vraiment de Julian, le fils de l'écuyer ?