Chapitre 7 « Bienvenue en enfer, mademoiselle de Saint-Germain. »

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Léonore

Cette fois, lorsque je me réveille, je suis seule dans la cabine. Je n'ai pas revu le capitaine depuis hier matin, après notre confrontation. Celle que j'ai honteusement perdue, et pour cause, Rogers est un tricheur. Je sais néanmoins que deux pirates sont assignés pour me surveiller et qu'ils sont devant la porte, prêt à intervenir en cas de tentative de fuite.

Une fois le médaillon en ma possession, je me suis repliée ici, dans la cabine du capitaine, noyée dans des larmes interminables jusqu'à ce que mon corps soit épuisé, desséché de tout chagrin. Mon visage enfoui sous les draps, j'ai maudit l'odeur pourtant agréable et réconfortante mêlant le cèdre au parfum du rhum.

Longuement, j'ai prié pour Julian, lui contant mes dernières péripéties. Je l'ai remercié pour sa bienveillance passée, ses conseils inestimables. Je me suis accrochée à l'espoir qu'il ait trouvé la quiétude et le bonheur là où il se trouve.

Mais ce matin, mes yeux sont gonflés, cernés, mon corps est endolorie et courbaturé. Stigmates de mes heures attachée, de ma presque noyade, de ma bataille contre le forbans.

Épuisée d'avoir trop puisé dans mes forces.

Lorsque je tourne mon visage vers la commode, j'aperçois dans une assiette, une omelette agrémentée d'épices et d'herbes aromatiques. Je m'assieds face au repas, l'estomac traumatisé par la faim, je m'empresse de saisir la fourchette et mange.

C'est bon. Très bon.

Le paprika et la ciboulette relèvent le plat par leur délicieuse saveur, tandis que le gros sel croque sous la dent.

J'ai besoin de force pour affronter la nouvelle journée qui s'annonce.

Une idée me traverse l'esprit quand mes yeux croisent le couteau mis à disposition : la liberté.

Je le prends, le fais glisser sous la table et le cache dans la manche de ma robe avant de sortir. Personne devant ma porte.

Sur le pont, les matelots s'activent au nettoyage. Ils frottent, font mousser leur éponges et rincent à grands coups de seau. Je progresse devant les regards curieux, navigue parmi les bras actifs, et j'aperçois le capitaine, son œil fixé à la longue vue, campé à côté du timonier qui tient le gouvernail.

C'est ici que se trouve mon objectif. Plus j'approche, plus mon ventre tiraille. Je dois le faire, je dois y arriver, qu'importe l'issue finale. Il le faut, pour Julian, pour tous les autres qui ont péri sous la lame du pirate.

Une main tremblante sur la rambarde, je monte l'escalier pour le rejoindre, sauf qu'un homme s'interpose. Il est grand, les cheveux blonds, longs, attachés en une queue de cheval basse. Et d'après ce que j'ai compris, c'est le deuxième maître à bord.

— Cet espace est réservé, m'informe-t-il, l'air grave.

Je le fusille du regard, tente de garder convenance, de cacher ce que mon corps cherche à exprimer : la peur.

— Je souhaite m'entretenir avec le capitaine. Laissez-moi passer, exigé-je.

Rogers baisse la lorgnette pour faire pivoter son visage vers le mien. En un simple geste, il ordonne au quartier-maître, son fidèle acolyte, de me laisser monter. Je lui lance un sourire dédaigneux, frôle sa silhouette avec une sérénité feinte, alors que mon être intérieur tremble de terreur. Je n'ai jamais pris la vie de quelqu'un.

Mon plan consiste à enfoncer mon couteau dans son cœur et à m'emparer de son épée. Facile. Enfin, en apparence.

Le capitaine tend sa main que je saisis pour le rejoindre. Grosse erreur. Sa paume est chaude, humide – elle l'est toujours. Le vent force mes cheveux, imprégnés de sel, à voler devant mes yeux lorsque Rogers me fait virevolter, comme si nous dansions.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant