Chapitre deux - Éléonore
Novembre
Un bruit insupportable et non identifiable me réveille en sursaut. Je ne suis pas connue pour être du matin, alors j'ai du mal à m'acclimater si brusquement.Forcée d'ouvrir les yeux pour connaître la source de mes malheurs, je me redresse en m'étirant. Ce canapé est affreux, c'est certain. J'ai passé une nuit horrible, entrecoupée de cauchemars et de réveils nocturnes douloureux. À chaque fois, j'ai eu l'impression qu'il était là et qu'il me prenait dans ses bras. Mais rien de tout ça n'était vrai, bien entendu.
- Enfin réveillée !
Corentin hurle de bon matin et je trouve ça
... énervant. Il était plus sympathique la veille.Je me retourne brusquement pour le dévisager et constate qu'il est entrain de mixer des fruits. Au diable ce mixeur, ce canapé et ce mec. Je les déteste tous.
- Tu as passée une bonne nuit ? J'espère que je n'ai pas fait trop de bruit en rentrant. Tu avais l'air de dormir paisiblement en tout cas.
Paisiblement. S'il savait que mes nuits ne sont plus qu'enfer depuis cinq mois. Lorsque je l'ai entendu rentrer, j'ai eu l'espoir fou que ce soit Ezra, mais en comprenant que ce n'était pas lui, j'ai feint un sommeil profond. Je suis visiblement convaincante.
- Ton frère ne devrait pas tarder. Tu veux prendre le petit-déjeuner avec moi ?
L'air sincèrement heureux de ma présence, Corentin attends une réponse alors même que je n'ai pas eu le temps d'en faire une pour sa première question. La tête encore dans les vapes, je m'approche de lui et m'installe en face, un sourire aux lèvres. Je suis bien obligée de sympathiser avec l'ami de mon frère si je veux essayer d'arranger les choses.
- Avec plaisir.
Vêtu d'un jean troué au genou et d'un polo rose pâle, Corentin a l'air assez simple comme garçon mais avec une apparence soignée. Il ressemble à mon frère, ils ont le même style vestimentaire. Je pense d'ailleurs qu'ils s'échangent leurs fringues, presque certaine que ce polo a déjà été porté par Ezra.
- Banane et fraise. J'espère que tu aimes.
J'ai déjà avalé une gorgée de son smoothie alors qu'il me présente les ingrédients. C'est étrangement bon, même si je suis presque sûre qu'il cache un autre élément.
- Il y a autre chose dedans, non ?
- Oui ! Mais c'est secret.
L'air malin qu'il m'offre me fait sourire naturellement. Je ne m'étais pas sentie si bien depuis un bon moment. Pourtant, une boule d'angoisse logée depuis hier dans ma poitrine ne s'est toujours pas dissipée, prenant de plus en plus de place. Je crains tellement l'arrivée d'Ezra que je préférerai ne pas être là lorsqu'il arrivera.
- Je vois. Merci, pour tout ça. Ta présence lors de ma venue, le petit-déjeuner... bref.
- Pas de soucis ! Si tu as un problème, je suis l'homme de la situation.
Si Ezra apprend qu'on s'entend déjà aussi bien son ami et moi, je suis convaincue qu'il me tuera. Alors je décide d'abréger ce moment en me murant dans le silence jusqu'à ce que mon verre soit vide.
- Je vais aller me préparer.
Il n'est que neuf heures et je n'ai rien à faire. Mais j'ai besoin de m'occuper pour ne pas trop penser.
- Vas-y, pas de problème. Je serai dans les parages toute la matinée. Quand ton frère sera là, on pourra peut-être aller faire un tour pour que tu visites ? C'est la première fois que tu viens ici je crois, non ?
Visiblement toujours autant à côté de la plaque qu'hier, Corentin est plein d'espoir. Je suis une nouvelle fois obligée de le ramener sur terre.
- Je doute que mon frère soit partant pour une virée avec moi, même si tu as raison : je ne suis jamais venue ici. Ne t'occupe pas de moi, t'inquiète. Je vais trouver de quoi m'occuper aujourd'hui.
Et sans un mot de plus, je quitte la pièce pour m'enfermer dans la salle de bain. Face au miroir, toutes les vérités que j'essaie de cacher depuis toutes ces semaines me sautent à la figure. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même. Et si mon frère me voit dans cet état, je doute qu'il apprécie. Parce qu'au fond, je suis convaincue qu'il s'inquiéterait pour moi même s'il me déteste. J'espère même qu'il le ferait parce que sinon, ça voudrait dire qu'il ne veut vraiment plus de moi dans sa vie et qu'il s'en fiche. Cette vérité est trop dure à accepter.
Je couvre ce satané miroir à l'aide d'une serviette et me rince le visage, n'ayant pas la force de me maquiller. De toute façon, qui remarquera si je suis soignée ou non ? Personne ne compte faire gaffe à ce genre de détails ici, et je n'ai pas prévu de me faire des amis. Donc que je sois négligée ou tirée à quatre épingles importe peu.
- Éléonore ? J'ai reçu un message de ton frère. Il arrivera d'ici dix minutes, dépêche toi si tu veux le voir. Il ne devrait pas rester.
Corentin m'apporte la nouvelle à travers la porte. Je n'ai pas envie d'affronter Ezra. J'ai trop peur du regard qu'il pourrait poser sur moi. De la haine ? Du dégoût ? De la rancœur ? Je ne suis pas prête à le découvrir. Alors je m'habille à la hâte d'un jean trop large et d'un pull tout aussi épais et quitte la pièce, mon sac à mains sur une épaule.
- Écoute, tu diras à mon frère que je suis partie faire un tour. Je reviendrais peut-être pour manger et sinon, ne m'attendez pas.
- Heu.. d'accord. Tu es sûre que ça va ?
- Ça va, ne t'inquiète pas.
Je lui offre un sourire timide et enfile mes chaussures rapidement avant d'emporter mon manteau. Nous sommes en plein mois de novembre et les températures sont loin d'être aussi douce que chez moi. Ici, il neige et je sais déjà que j'ai intérêt à bien me couvrir si je ne veux pas tomber malade.
- Bon hé bien, passe une bonne matinée. Tiens, je t'ai noté mon numéro si tu as besoin de quelque chose.
La gentillesse de ce garçon m'étonne. Je pensais que tout l'entourage d'Ezra allait me détester. Mais ce n'est pas le cas. Tout comme nous avons caché la vérité à nos parents, mon frère n'a rien dit de notre dispute à ses amis et au fond, je crois que je lui en suis reconnaissante.
- Merci Corentin. À plus tard !
Et au moment où j'ouvre la porte d'entrée, je le vois. Une clé entre les mains, mon frère s'apprêtait à entrer. Le choc est inévitable : je tremble et mes yeux brillent de larmes. Je refuse de pleurer si facilement et encore moins devant lui. Il faut qu'il croit que je suis forte et que suis passer à autre chose aussi facilement que lui.
Alors je baisse la tête en m'excusant et comme si je ne le connaissais pas, je passe devant pour dévaler les escaliers.
Je ne suis définitivement pas prête à l'affronter.
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The harmony of our hearts
RomanceÉléonore a un seul regret dans la vie : être détestée par son grand frère Ezra. Durant presque deux ans, Éléonore sortait avec Maël, le meilleur ami de son frère. Puis ce garçon a fini par lui briser le cœur. Ezra avait pourtant prévenu sa sœur : n...