Chapitre trente-deux

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Chapitre trente-deux - Éléonore

Janvier

Sa douleur m'atteins en plein cœur. Je ne sais pas ce que j'ai surpris exactement, mais ça a l'air bien plus grave qu'une simple altercation entre camarades.

- Côme, dis quelque chose.

Une première larme coule sur sa joue, suivie d'une dizaine sans qu'il ne fasse rien pour les retenir. Découvrir cette facette si sensible de lui me touche tellement que mes propres yeux se mettent à briller.

- Tu n'aurais jamais dû voir ça. C'est tellement la honte, putain...

Sa voix est cassée et si fragile que je peine à comprendre ce qu'il me dit. Je me force à tenir fermement le volant en empêchant à mes mains de trembler. Lorsqu'il fond en larmes à mes côtés, je ne tiens plus et me gare à l'arrache sur un bord de route. Je ne supporte pas de le voir si triste et d'en avoir honte.

Dès que la voiture est à l'arrêt, je me détache et l'oblige à sortir du véhicule. Isolés, sans personne pour nous entendre et nous voir, j'attrape ses mains prises de tremblements et le force à me regarder. Son regard vide est aussi déchaîné qu'une tempête, ce qui me brise.

- Côme, qu'est-ce qu'il se passe ?

- Je... heu... n'en parle à personne, s'il te plaît.

- Ils te harcèlent ?

- Non... ils... enfin, peut-être ?

Ses joues virent au rouge et ses yeux dévient vers le sol. Il a tellement honte de lui que ça m'en rend malade. Comment peut-on avoir honte d'être une victime ? Putain, ça devrait être ses agresseurs qui devraient ne plus réussir à se regarder dans un miroir. Pas l'inverse. Jamais.

- Pourquoi tu n'en a jamais parlé ?

- Tout le monde a ses propres problèmes. Corentin a ses cours, Ezra aussi, toi tu t'es...

Tu t'es faite violer. C'est ce qu'il allait dire. Je sais maintenant, après en avoir parlé longuement avec Ezra que ce n'était pas juste une tentative de viol. Maël a abusé de moi et même s'il aurait pu aller plus loin, ce qu'il m'a fait est reconnu au nom de la loi comme un viol. Rien de moins.

Mais ce n'est pas une raison pour que Côme taise ses propres souffrances. Chacun traverse ses propres épreuves au cours d'une vie et aucune ne mérite moins d'être entendue et soulagée.

- Ce n'est pas une raison, Côme. Tu as le droit de parler, de raconter ce qu'il t'arrive. Tu ne dois pas rester seul !

- Il ne me reste plus beaucoup de cours à subir. Dans quelques mois, tout ça sera loin derrière moi. Ne t'inquiète pas pour moi s'il te plaît et oublie ce que tu as vu. Ce n'était rien comparé au reste.

- Si je te demandais d'oublier ce que j'ai vécu, tu le ferai ?

Je réussi enfin à capter son regard qui passe en un éclair de la tristesse à la colère. Touché.

- Bien sûr que non ! T'es folle ?

- Alors c'est pareil pour moi. Je n'oublierai jamais leurs regards à tous. La façon qu'ils avaient de te dévisager, ils transpiraient la méchanceté. Et je suis sûre que si je n'avais pas été là, ils t'auraient fait vivre des choses que je n'imagine même pas.

Ma tirade le bouscule légèrement et je sais à sa façon de me fixer que j'ai raison. Ces connards n'ont rien de bon en eux.

- On peut oublier ? Je te raconterai ce que tu as envie de savoir plus tard. J'ai envie de... je ne sais pas ce que je veux. J'ai envie d'oublier. De remplacer ces dernières minutes par quelque chose de plus joyeux.

The harmony of our heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant