Chapitre trente-cinq

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Chapitre trente-cinq - Côme

Janvier 

- Dis, je peux te poser une question ?

Allongés l'un en face l'autre, Lenny blottie contre mon torse et nos jambes emmêlées, je caresse doucement ses cheveux. Depuis qu'elle m'a parlé à cœur ouvert, nous nous sommes réfugiés dans sa chambre, le ventre toujours aussi vide. Une demi-heure plus tard, Éléonore est la première à briser le silence.

- Hum ?

- Si tu n'as pas envie d'en parler, je comprendrais. Mais je me demandais... pourquoi est-ce que tu n'es jamais avec ta mère ?

Parler de ma famille avec Lenny est quelque chose qui a dû arriver une fois tout au plus. Je n'entre jamais dans les détails et je savais que cette question allait arriver.

- Comme je te l'ai déjà dit, ma mère est spéciale. En bref, malgré le fait qu'elle ait eu deux enfants, elle ne nous a jamais vraiment aimé. Ou elle le cache vraiment bien. Lorsqu'elle s'est mariée avec Chris, elle est devenue encore moins présente pour nous. Toute notre enfance, nous l'avons passé avec des baby-sitters, jusqu'à ce que nous soyons assez grands pour nous gérer seuls. Notre mère sortait beaucoup mais finissait toujours par revenir. À mes treize ans... il s'est passé quelque chose.

Une boule se loge dans ma gorge et m'empêche de continuer à parler. Je me tourne sur le dos, libérant mon emprise de Lenny. Je n'arriverais jamais à lui parler de ça en la regardant dans les yeux.

- Un jour où nous étions seuls à la maison, j'ai fais une connerie. Ma mère nous avait laissé depuis presque deux jours, sans aucune indication. Elle était juste... partie. Corentin a été moins traumatisé. Être seul ne l'a jamais autant rendu triste que moi. Alors... pour la faire revenir plus vite, pour la faire réagir et lui faire croire que nous étions encore trop jeunes pour vivre sans elle, j'ai attrapé une boîte d'allumettes. Et j'ai été chercher un peu... d'essence au garage. En revenant au salon avec, Corentin m'a demandé ce que je foutais. Le bidon était mal fermé et des gouttes se sont renversées sur le tapis. Je n'avais pas vu, je le jure. J'ai allumé une allumette, juste une... et ma mère a passé la porte au même moment. Je l'ai jetée et je lui ai sauté dans les bras. Mais les hurlements de Corentin nous ont séparé. Je me suis retourné en souriant pour comprendre ce qui lui arrivait, jusqu'à ce que je remarque le canapé en feu. L'allumette n'était pas éteinte. Lorsque je l'ai lâché... elle est tombée sur le tissu où il y avait de l'essence et a fait partir un début d'incendie. Dans la panique, ma mère a hurlé et a essayé de l'éteindre. Les flammes l'ont touchée. Son corps est marqué à jamais. Pas gravement, mais suffisamment pour qu'elle soit emmené par les pompiers et ne reviennent que plusieurs jours plus tard. L'incendie n'a rien détruit si ce n'est une partie du salon et de ma mère.

Jamais je n'aurais pensé qu'une seule putain d'allumette pouvait engendré un tel accident. Je m'en voudrais toute ma vie d'avoir imaginé un truc aussi grave dans mon esprit détraqué pour ramener ma mère. J'ai mis en danger toute ma famille ce jour-là sans même en prendre conscience. Ma mère a des cicatrices au ventre, Corentin est probablement traumatisé d'être passé à ça de la mort et moi, je suis encore plus brisé qu'avant. J'ai peur du feu, de la solitude et de l'abandon.

- Elle ne me regardait même plus dans les yeux. Elle m'a fait suivre par des psychologues pendant un temps, persuadée que son fils était dérangé. Elle a probablement raison. Je voulais juste qu'elle s'inquiète pour moi, qu'elle ait suffisamment peur pour ma vie pour revenir auprès de nous et ne plus jamais repartir. Mais... son physique est ce qui compte plus que tout pour elle. Ma mère ne supporte pas de vieillir, alors, avec ces cicatrices au corps, elle se détestait encore plus. Elle partait de plus en plus souvent jusqu'à rencontrer Chris. Depuis, elle voyage sans arrêt, ne nous parle presque pas. Cette distance, elle existe à cause de moi.

The harmony of our heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant