The harmony of our hearts

Chapitre vingt-six

Chapitre vingt-six - Éléonore

Décembre

J'essaie d'assimiler tout ce que mon frère me raconte et tombe de très haut. Je n'ai aucun putain de souvenirs de cette soirée. Je sais que j'avais bu excessivement et je ne comprends pas à quel moment Ezra a cru que c'était le bon moment pour m'avouer ce qu'il ressentait. À quel moment, moi, folle amoureuse de cet abruti de Maël, j'ai osé promettre de le quitter comme ça, sans aucun regret ? Et putain, à quel moment mon frère a cru que moi, naïve que j'étais dans cette relation, j'allais vraiment rompre avec Maël sans même y réfléchir ? J'étais trop bourrée, trop conne, trop... stupide. Il n'aurait jamais dû tenir compte de mes propos.

- Mais Ez... je ne m'en rappelle même pas !

- Je sais, je suis désolé d'avoir insisté sur ça. J'étais tellement en colère que je n'ai rien trouvé de mieux à faire que de te le reprocher.

Je soupire longuement avant de me relever pour tourner en rond. Je me sens bête de n'avoir aucun flash de ce moment et d'avoir trahie mon frère en restant avec le garçon qu'il aimait aussi.

- Je ne savais même pas vraiment que tu aimais les garçons. Je faisais du bluff, visiblement à cette fête.

- J'aime tout le monde, Lenny. C'est pour cette raison que je ne te l'ai pas dit, parce qu'il n'y avait justement rien à dire... je tombe amoureux d'une personne, pas de son sexe. Maël a été l'homme que j'ai le plus aimé et le plus longtemps. Même quand je pensais réussir à passer à autre chose, il revenait.

Maël est toxique. Il adore être aimé, mais n'aime pas en retour. Il nous a blessé autant Ezra que moi, sans même faire attention aux conséquences. Il abusé de moi et de ma confiance, il a fait croire à mon frère que quelque chose était possible entre eux. Il n'assumera jamais qu'il est attiré par les garçons. Ou quand il le fera, il sera trop tard pour revenir vers mon frère. Il est déjà trop tard.

- Il nous a éloigné sans même s'en rendre compte. Je suis désolé de m'en être pris à toi, je n'arrivais pas à concevoir que tu puisses être en couple avec lui alors que moi... je n'avais aucune chance. J'étais jaloux. J'ai tout fait pour m'habituer à votre couple mais je n'ai pas réussi. J'ai préféré partir. Quand vous vous êtes séparés, ça été la goutte de trop. Je t'avais prévenue qu'il allait te faire du mal, pour la simple raison qu'il ne t'aimais pas parce qu'il n'est réellement attiré que par les hommes, il me l'a avoué un jour. Je savais qu'il finirait par te détruire, et je ne l'ai pas supporté. Je t'enviais et je te détestais en même temps. C'était trop compliqué à gérer... je suis désolé.

Je n'arrive même pas à en vouloir à mon frère. Nous aimions la même personne et Maël n'a pas su faire un choix. Il nous détruisait en ayant pleinement conscience qu'il jouait avec nous. J'étais la seule à ne me rendre compte de rien, aveuglée par l'amour.

Je vais apprendre à me reconstruire, à avancer. Et pour ça, j'ai besoin de mon grand frère. Je me rassied à ses côtés et pose ma main sur la sienne.

- Et si on oubliait ce garçon qui nous a fait tant de mal ? On passe à autre chose, on se reconstruit. Je reste vivre ici comme prévu, et on vit les plus beaux mois possible.

Ezra relève la tête, l'air surpris. Il s'attendait sûrement à ce que je lui en veuille de m'avoir effacé de sa vie pour Maël, mais je décide d'agir autrement.

- Je suis d'accord. On efface tout et on recommence. Tu es toute ma vie Lenny, je t'aime.

- Je t'aime aussi, Ez.

Nous passons le reste de la journée à discuter et Ezra me propose ensuite de sortir pour aller manger. J'accepte et vais m'habiller. Face à mon armoire, mes démons reviennent me hanter. Presque aucun fringue n'est à ma taille, cette dernière s'étant largement réduite ces derniers temps. Je suis obligée de choisir un jean trop large et un sweat qui couvrira ma maigreur, comme d'habitude. J'aurais aimé porter des fringues à ma taille pour une fois ; essayer de reprendre confiance en moi. Mais je n'y arrive pas. Mon reflet me dégoûte.

- Tu es prête ?

Mon frère cogne contre ma porte et je l'autorise à entrer une fois vêtue de la tête aux pieds.

- Oui, on peut y aller.

Face à mes yeux rougis et mes mains tremblantes, Ezra comprend que quelque chose ne va pas. Il s'approche de moi et pose une main réconfortante sur mon épaule.

- Qu'est-ce qu'il ce passe ?

- Rien. Je...

- C'est quoi le problème ? Avec la nourriture, je veux dire.

Je sais que mon frère est très large d'esprit mais à toujours eu du mal à comprendre les troubles du comportement. Alors me voir maigrir à vue d'œil sans agir l'énerve plus qu'autre chose parce qu'il ne comprend pas.

- Je ne sais pas. La bouffe me dégoûte et je suis tombée dans un cercle infernal. Je ne sais plus comment en sortir, Ez. Je suis fatiguée.

- Je ne sais pas si je peux faire quelque chose pour toi, mais si c'est le cas alors dis le moi.

- Non. Je dois m'en sortir seule.

Je sais que sa main tendue devrait me forcer à l'accepter au risque de le perdre à nouveau. Mais j'ai besoin de résoudre ce problème seule, de me comprendre à nouveau et de me reconstruire. Si j'ai besoin de lui, je lui ferai savoir. Mais ce n'est pas le cas pour le moment.

- On va manger ?

Je préfère changer de sujet et passer à autre chose, ne me sentant pas très à l'aise pour parler de moi et de ce qui me chagrine.

- Ok, comme tu veux.

Je vois bien que je l'ai contrarié mais malgré tout, Ezra accepte et nous sortons enfin d'ici. L'air frais me surprend mais lorsque je m'y habitue, il m'aide à me vider la tête.

- Tu sais où tu veux aller ?

Je triture mes doigts en essayant de faire disparaître la boule d'angoisse qui loge dans mon ventre depuis qu'on parle d'aller manger. Je ne sais pas pourquoi, mais avec Côme, manger me semblait plus simple, moins stressant. Avec Ezra, j'ai peur qu'il me juge ou qu'il ne comprenne pas.

Au départ, je me faisais vomir pour évacuer tout ce que m'avais fait enduré Maël. Puis j'ai maigri, l'appétit ne venait plus et j'ai continué à vivre de cette façon sans m'inquiéter. Mais maintenant, je n'ai plus envie de me nourrir, j'ai des crampes d'estomac toute la journée, j'ai froid même lorsque qu'il fait bon dans une pièce, mes cheveux sont ternes et tombent. Je m'inquiète. Et je ne sais plus quoi faire pour aller bien.

Piégée dans mes tourments, je réalise que je n'ai pas bougé d'un centimètre de devant la porte et que mon frère me dévisage, dans l'attente d'une réponse.

- Heu je... comme tu veux, je te suis.

D'un hochement de tête, Ezra m'encourage à le suivre jusqu'à sa voiture. C'est parti...