Chapitre dix-huit

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Chapitre dix-huit - Éléonore

Décembre

Tout se brise autour de moi. Mon cœur, celui d'Ezra.  La table basse, le vase. Mon frère entre dans une colère incontrôlable et ne m'écoute plus. Il envoie voler tout ce qui traîne sur son passage. J'ai révélé ma plus grande honte il y a bientôt dix minutes et s'il continue comme ça, nous n'aurons plus d'appartement.

- Tu n'avais pas le droit de garder ça pour toi ! C'est trop grave putain ! Mais Lenny, tu aurais du m'appeler, prévenir les parents ! Je ne supporte pas ce qu'il t'es arrivé.

Ses yeux injectés de sang me dévisagent avec rage et je sais qu'il s'en veut énormément de ne pas avoir été là. Je n'avais pas mesuré l'ampleur des dégâts.

- Tu ne voulais plus entendre parler de moi alors je.. je ne savais plus quoi faire. Je voulais juste oublier.

Il me rejoint, les mains en sang, pour me prendre dans ses bras. Nous nous écroulons sur le sol et il me serre si fort que j'en ai mal. Mais je ne fais rien pour me séparer de lui. L'entendre pleurer me détruit.

- Pardon pardon pardon. Je suis tellement désolé. J'aurais dû être là pour toi.

Il attrape mon visage entre ses mains et j'ai l'impression d'avoir délesté tout le poids que j'avais sur mes épaules depuis cet été. Front contre front, nous fermons les yeux et laissons nos larmes dévaler nos joues. J'ai terriblement mal au cœur mais contrairement à avant, j'ai l'impression d'avoir partagé cette peine.

- Il ne va pas s'en tirer comme ça, je te le jure. Lenny regarde moi. Dis moi que ça va aller, qu'il ne t'as pas bousillée à tout jamais. On va se relever de cette épreuve, ensemble. C'est une promesse.

Il ne s'arrête plus de parler, la voix cassée et le corps tremblant de sanglots. Je m'en veux tellement.

- Maintenant que tu es avec moi, je vais tout faire pour aller mieux. Mais ne fais rien de stupide, je t'en supplie.

Je n'en ai jamais parlé parce qu'au delà de la honte que je ressentais de m'être si facilement laissée faire, je ne voulais pas m'engager dans des procédures interminables et des interrogatoires ravageurs pour moi-même. J'avais besoin de passer à autre chose et pour ça, je ne devais plus y penser. Même si ce n'a pas marcher, je ne changerai rien à ma façon de faire. J'ai trop peur pour affronter Maël.

- On ne va pas le laisser s'en tirer comme ça.

Il se relève brusquement et j'en fais autant, perdue.

- Ezra, attends !

Mon frère serre les poings et rejoint sa chambre. Lorsque je le remarque au milieu de la pièce téléphone en mains, je comprends rapidement ce qu'il a prévu de faire.

- Je t'interdis d'appeler quelqu'un. S'il te plaît, on peut gérer ça ensemble. Je n'ai pas envie que ça se termine mal.

J'agite mes bras dans tous les sens, essayant par tous les moyens de le calmer et de l'empêcher de faire une connerie.

- Il t'as touché, Lenny. Je ne vais certainement pas le laisser s'en tirer. Maintenant laisse moi gérer ça.

Il compose un numéro et j'ai peur de savoir qui va répondre. Ezra n'a jamais été reconnu comme génie de la patience et je l'ai déjà vu régler ses propres problèmes plus d'une fois par la violence. Les parents n'ont jamais été mêlé à ses règlements de compte et je sais d'avance que c'est un ami qu'il cherche à joindre.

- Corentin, c'est moi. Désolé de te déranger. Oui... je sais. Mais c'est urgent. Oui, je t'expliquerais. Non, t'inquiète. Prévois des affaires, on démarre dans dix minutes.

Sa conversation ne m'enchante pas du tout et je refuse catégoriquement de le laisser faire ça. Ezra me bouscule pour passer et attrape un sac à dos au salon avant de revenir vers sa chambre.

- Ezra, attends deux secondes. Calme toi ! Tu ne peux pas faire ça, ça ne réglera rien.

- Au contraire, ça réglera tout. Tu ne veux pas en parler, je respecte ça. Mais je ne resterai pas ici à te regarder mourir par sa faute.

Sans me regarder, mon frère fourre des affaires au hasard dans son sac et bientôt, quelqu'un sonne à la porte. Je le retiens par le poignet et ferme la porte au cas où Corentin rentrerai.

- Ne me laisse pas toute seule, j'ai besoin de toi. Tu risques la prison si tu lui fais du mal.

- Je vais lui parler, t'inquiète. Il ne m'arrivera rien.

- Je ne peux pas te croire et tu le sais.

- Je t'appelle dès que j'arrive là-bas. Nous ne traînerons pas.

Il force le passage et j'essaie de le suivre malgré sa vitesse. Toujours en larmes, j'ai peur de ce qu'il pourrait se passer s'il fini par partir pour de bon.

- Vas-y entre.

Ezra ouvre la porte à son ami et va se laver les mains à la cuisine pour essayer d'enlever toute trace de sang. En observant l'état du salon, Corentin fronce les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?

- On a de la route devant nous, je te raconterai.

Visant mon dernier espoir vers Corentin, je m'approche de lui en essayant d'effacer toute trace de larmes.

- Je t'en supplie, empêche le de faire ça.

- Déso' Éléonore. Il a clairement besoin de moi.

Il pause sa grande main sur mon épaule en souriant gentiment et je sais déjà que j'ai perdu cette bataille.

- Je vais t'envoyer Côme, il te tiendra compagnie. Corentin t'écriras dès que nous arrivons et je t'appellerai plus tard.

- Ezra ! Putain mais tu ne peux pas traverser la France pour ça !

- Pour ça ? Tu déconnes j'espère ? J'irais partout si c'est pour toi. Tu es toute ma vie, Lenny. S'avoir ce qu'il t'as fait.. je ne peux pas le supporter.

Il s'agrippe à la poignée de la porte d'entrée et après un dernier regard, Ezra s'en va. Je le rejoins sur le palier en panique, bien décidée à ne pas le lâcher.

- Ne fais pas ça s'il te plaît... Corentin retiens le ! C'est une énorme connerie.

Sans m'écouter, mon frère dévale les escaliers et Corentin me prend dans ses bras en s'excusant avant de s'en aller à son tour. L'adrénaline redescend brusquement et je m'écroule par terre, l'inquiétude ayant pris la place de la peur. En état de panique, mes mains tremblent et ma tête me fais si mal que je suis obligée de fermer les yeux.

J'ai un mauvais pressentiment et j'ai peur de ce que pourrait faire Ezra. Désormais seule ici, je ne sais plus comment gérer cette pression intense.

Je sombre en plein cauchemar éveillé et je suis incapable d'en sortir.

The harmony of our heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant