Chapitre six

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Chapitre six - Éléonore

Novembre

Voilà une semaine que je vis chez Ezra et je n'ai pas revu ce dernier depuis notre dernière pseudo-conversation. Même Corentin est absent la plupart du temps, n'ayant donc aucune source de distraction pour m'aider à faire passer le temps.

Ma vie ici est un véritable enfer. Je pensais qu'après m'avoir vue et avoir fait le premier pas pour venir me parler, Ezra allait accepter ma présence. Mais finalement, il n'est jamais vraiment présent. Ou très occupé même s'il est ici. Lundi, il a organisé une fête indécente ici même. J'ai d'abord cru qu'il avait changé et qu'il aimait rassembler autant de monde autour de lui, mais j'ai vite compris qu'il n'avait qu'un objectif en tête : m'énerver. Alors je n'ai rien dit, je me suis juste enfermée dans ma chambre jusqu'à ce que tout le monde quitte les lieux. Puis.. le mardi, Ezra a organisé une cession de sport en plein milieu du salon. À sept heures du matin. J'ai entendu pleins de voix différentes et j'ai décidé à nouveau de m'enfermer dans ma piaule. Le mercredi, il a couché avec une fille. Je n'y vois pas d'objection... si ça avait été dans sa chambre et pas sur le canapé. J'ai terminé de déjeuner sans surprise : dans ma chambre. Le jeudi... il a organisé une nouvelle soirée. Je n'ai croisé personne parce que je me suis à nouveau isolée, totalement seule. Et hier, j'ai cru qu'enfin j'allais avoir la paix mais... non ! Ezra et Corentin ont joué aux jeux vidéos toute la journée. Et toute la nuit. Autant dire que j'ai eu l'impression d'être en plein zoo tellement ils criaient fort.

Alors aujourd'hui, je décide enfin de sortir d'ici avant de devenir folle. J'ai bien compris que mon frère avait déjà zappé le petit moment « je m'inquiète pour ma sœur » et qu'il était de nouveau devenu un vrai connard décidé à m'embêter coûte que coûte. C'est pourquoi je prends un malin plaisir à claquer chaque porte que j'ouvre pour faire le plus de bruit possible.

Je prends mon temps pour me préparer : je me maquille légèrement, relève mes cheveux en une queue de cheval et choisis des vêtements amples mais jolis. Vêtue d'un jean et d'un sweat, j'enfile ma veste et quitte ma chambre ; chaussures en main.

La tête plongée vers mon téléphone, je ne remarque que maintenant ; en plein milieu de la cuisine, morte de rire à cause d'une vidéo - que je ne suis pas seule.

- Merde. Heu... salut ?

Visiblement aussi surpris que moi, l'inconnu me fixe en attendant que je lui réponde à sa tentative de politesse.

- Salut. Tu es...?

Je ne l'ai jamais vu, ou je n'ai pas fait attention s'il était présent à l'un des événements que j'ai énoncé plus haut cette semaine.

- Heu... je m'appelle Côme. Tu dois être Éléonore ?

Au moins lui, il sait qui je suis.

- Elle-même.

Côme est un garçon à peu près de mon âge je dirais. Des cheveux blonds en désordre, des yeux verts, des fringues étrangement similaires aux miennes : un jean baggy brodé de dessins, un t-shirt à l'effigie d'un groupe de rock... il aime visiblement les vêtements larges aussi.

- Je suis le petit frère de Corentin, tu as déjà dû le rencontrer étant donné qu'il traîne ici plus que chez lui.

Sa voix grave me percute et me donne envie de m'asseoir à ses côtés pour discuter. Sauf que la raison me rattrape vite et je préfère couper court à la conversation.

- Effectivement. Bon, je vais te laisser.

Il saute par-dessus le canapé et m'offre un sourire éclatant.

- Tu vas où ? Je ne pourrais pas venir avec toi ? Mon frère m'a demandé de venir ce matin pour qu'il puisse m'aider avec mes cours mais... il dort toujours.

Il n'est que huit heures trente du matin, je trouve l'heure plutôt appropriée pour dormir encore. En plus, Corentin n'est à mon avis pas prêt de se lever étant donné qu'ils ont joué avec mon frère jusqu'à cinq heures du matin.

- Heu... non, désolée.

Je n'ai pas à me justifier sur où je vais ou pourquoi je refuse sa compagnie. En fait, c'est même normal ! Je ne le connais même pas, c'est hors de question qu'on traîne ensemble. Face à ma réponse plutôt sèche, Côme... sourit.

- Pas de soucis, je comprends.

Il se glisse à nouveau sur le canapé et me fait un signe de la main avant de plonger à nouveau dans son film. Il n'est pas difficile comme garçon, on dirait.

***
Tout m'ennuie ici. J'ai été chercher un croissant et un chocolat chaud dans la boulangerie la plus proche, j'ai marché le long des allées des quelques boutiques présentes ici, j'ai profité d'un rayon de soleil pour m'asseoir un peu... et je m'ennuie maintenant. Il ne s'est écoulé que deux heures à peine et j'ai déjà envie de rentrer.

Avant, j'adorais courir, faire du sport, prendre des photos, faire du cheval... mais tous ces hobbies sont vite passés avec le temps. Désormais, je ne sais plus comment canaliser mon énergie et occuper mes pensées. C'est très frustrant.

Je décide de rentrer après avoir pris conscience que j'allais bientôt mourir de froid en restant dehors. Dès que j'entre dans l'appartement, une odeur agréable m'accueille. Occupé en cuisine, Côme n'a visiblement pas quitter les lieux depuis mon départ.

- C'est moi, je suis rentrée. Mon frère est toujours au lit ?

- Ton frère est juste derrière toi. T'étais où ?

Je sursaute en entendant la voix d'Ezra si proche de moi. Je ne serais décidément jamais prête à me retrouver près de lui sans avoir mille émotions qui me traversent.

- Dehors.

Je ne pourrai pas être plus froide dans mes répliques dès que je lui parle.

- Depuis quand tu traînes dehors alors qu'il fait super froid ? Avant..

- Avant, ce n'est plus maintenant. Les gens changent, Ezra.

Je me tourne vers lui pour appuyer mes propos en le regardant de travers. Sans le quitter des yeux, je balance mes chaussures à l'autre bout de la pièce et attends sa réaction. Au loin, Côme s'est finalement glissé dans le canapé et fait mine de ne pas nous écouter.

- Je vois, princesse Éléonore est d'une humeur de merde. C'est ça ?

Je le déteste.

- Après avoir subi une semaine de merde il se pourrait qu'effectivement, je sois d'une humeur pourrie. Un problème avec ça ?

Les bras croisés, Ezra ne me regarde même pas franchement lorsqu'il me parle. Je crois que je préférerai qu'il me crie ce qui le dérange plutôt qu'il m'ignore de cette façon.

- Si mon rythme de vie te dérange, tu n'as qu'à partir. Rien ni personne ne te retient ici, c'est clair ?

Ne pas pleurer. Ne pas pleurer...

Je m'abstiens de répondre et vais m'enfermer dans ma chambre, non sans entendre les paroles de Côme :

- T'as été dur, mec.

- Ne t'occupe pas de nos problèmes, salle gosse. Tu voudrais pas aller réveiller ton frangin ? Il...

Je referme la porte sans écouter le reste de la conversation. Pourquoi est-ce que mon frère essaie par tous les moyens de me faire du mal ?

The harmony of our heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant