The harmony of our hearts

Flash-back

Flash-back - Ezra, 18 ans

Juillet, il y a quatre ans

Aujourd'hui compte particulièrement à mes yeux. J'ai enfin dix-huit ans.

Je compte bien faire de cette journée quelque chose de mémorable. Mes parents ne sont pas à la maison, alors l'alcool et mes amis sont forcément au programme.

- Ezzzzzra ! Le Roi de la journée ! Ça va mec ?

Maël, mon meilleur ami,  débarque dans mon jardin sans y avoir été invité. Accompagné d'une jeune fille très jolie, il s'assied à mes côtés au bord de la piscine en me donnant un coup dans l'épaule pour me saluer.

Évidement, j'ai invité Maël à ma soirée. Mais je n'avais pas prévu qu'il débarque si tôt et encore moins accompagné. Ce crétin. S'il savait à quel point il crève mon cœur à chaque fois qu'il se présente à moi, une nouvelle conquête accrochée à son bras. Je le déteste. Je l'aime.

- Maël. Tu nous présentes ?

Sa copine doit sentir l'air froid que j'emprunte pour m'adresser à mon ami et semble mal à l'aise.

- Heu, ouais. Carrément. Lucile, je te présente mon meilleur pote Ezra.

Je reconnais Lucile pour l'avoir déjà croisée dans les couloirs du lycée mais je fais exprès de la traiter comme une inconnue. Je m'en veux de détester cette femme qui n'a rien demander et que je hais pour le simple fait qu'elle puisse s'afficher publiquement en couple avec celui que je désire par dessus tout depuis tellement d'années déjà. Elle n'a rien demandé et pourtant, malgré la gentillesse qu'elle dégage, je ne l'aime pas.

- Bon, à quelle heure commencent les festivités ?

- Dans quelques heures seulement, tu avais le temps d'arriver.

- Je sais, mais je me suis que tu aurais besoin de bras.

Comme si les bras de Lucile allait m'aider à quoi que ce soit. Foutue jalousie. Je me déteste.

- C'est gentil. J'allais faire des courses, si tu veux m'accompagner ?

J'ignore délibérément sa petite amie du moment en ne la regardant même pas. Je sais que mon comportement est puéril et pourtant, c'est plus fort que moi.

- Chaud, on y va !

***
Le soleil brille encore comme s'il n'était pas déjà vingt-deux heures. Les invités sont tous attroupés autour de la piscine, certains ayant le courage de plonger dans l'eau tandis que l'autre moitié préfère rester sur le bord. Je remarque rapidement Maël, seul, le corps entièrement dans l'eau, Lucile abandonnée quelque part où il n'est pas. Il essaie de m'appeler en criant mon prénom mais je feins de ne pas l'entendre. Mon regard est plongé vers mes pieds nus, la colère se déversant dans mes veines. Même ma petite sœur a l'air de s'amuser plus que moi. Entourée de ses amies, son visage est éclairé d'un magnifique sourire.

Fatigué, mes amis n'ayant clairement plus besoin de moi, déjà bien éméchés, je décide d'aller un peu dans ma chambre. Je me redresse et disparais dans la maison, sans un regard en arrière.

Lorsque je me laisse tomber sur mon lit, je lâche un soupire profond. Je pense à mes dix-huit ans, aux trente personnes présentes en bas, dans mon jardin. Ils sont tous venus pour moi et je ne suis même pas capable de profiter de ça. J'ai passé ma soirée à boire et à râler dans mon coin, faisant semblant de m'amuser.

En ce moment, quelque chose se brise en moi. J'ai du mal à comprendre pourquoi maintenant, pourquoi après tout ce temps. Depuis notre seul moment intime passé ensemble avec Maël, nous n'avons jamais recommencé. Il a toujours une main qui traîne un peu trop longtemps sur mon corps, un sourire railleur lorsqu'il s'adresse à moi, des paroles susurrées à l'oreille, mais rien de plus. Et le fait qu'il laisse planer un doute constant comme ça au dessus de nous ne m'aide pas franchement à tourner la page de cette histoire avortée avant même d'avoir commencée. Il ne pourra jamais y avoir quelque chose de concret entre nous. Je le sais et pourtant, je continue bêtement d'espérer.

- Toc toc ?

La voix de ma sœur me tire de ma rêverie et je me redresse pour la fixer. Appuyée contre ma porte, sa robe mauve légèrement mouillée aux chevilles, elle est radieuse. Lenny est mon soleil. La lumière incarnée. Mais pas assez brillante aujourd'hui pour me faire sourire.

- Je te dérange ?

- Non. Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je voulais savoir comment tu allais. Tu es parti de ta propre fête, alors...

Éléonore s'avance lentement dans ma chambre et s'assied à mes côtés.

- Je ne pensais pas que quelqu'un allait remarquer mon absence. J'avais juste besoin de m'isoler un peu.

- Je te laisse si tu veux. Et tu sais très bien que je sais quand quelque chose ne va pas.

C'est si vrai. Nous sommes liés, tous les deux. Dès que quelque chose la tracasse, je le ressens au plus profond de mes tripes. Et c'est pareil pour elle. Nous sommes connectés.

- Non, reste. Je suis juste... fatigué.

Ma sœur ne sait rien de mon attirance pour mon meilleur ami. Étant elle même un peu amourachée de Maël, je préfère ne rien dire. Et puis... je n'assume pas vraiment de m'être fait jeté de cette façon la dernière fois que je me suis retrouvé proche de lui. Je préfère oublié ce moment.

- Ok. Alors allonge-toi.

Elle ne me pose aucune autre question, respectant comme toujours mon silence. Mais sans jamais me laisser seul.

Lenny s'allonge à mes côtés et attrape ma main. Ma petite sœur récupère le rôle que j'occupe d'habitude, lorsque ses nuits sont trop agitées pour qu'elle ne veuille dormir seule. Et j'apprécie qu'elle soit là pour moi. Lenny est ma famille, mon Monde.

C'est comme si nous étions jumeaux, avec deux ans d'écart. Je sais, c'est assez... inexplicable. Nos cerveaux et nos cœurs sont reliés par des fils invisibles et pourtant bien réels. Elle souffre, je souffre.

- Tu peux dormir, je veille sur toi.

- C'est moi qui devrait veiller sur toi, et pas l'inverse.

- Et pourquoi ? Tu as aussi le droit d'avoir des faiblesses, des moments de doute. Et je suis là pour toi lorsque ça arrive.

Je la remercie silencieusement en embrassant son front. Ma petite sœur, ma guérison. Elle n'a pas besoin de savoir ce qui me tracasse, elle comprend que mon cœur est fissuré et qu'il a besoin d'elle pour aller mieux.

Malgré tout, malgré la douleur que mon meilleur ami m'inflige, ma sœur est toujours là. Et c'est tout ce qui compte.