Chapitre douze

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Chapitre douze - Éléonore

Décembre

Deux semaines se sont écoulées depuis ma réconciliation avec Ezra. Le mois de décembre débute enfin et la neige est maintenant bien réelle. Elle ne cesse de tomber, refroidissant encore plus l'air extérieur.

Et elle est sans doute aussi froide que mon frère qui finalement, semble avoir changé d'avis à mon sujet puisqu'il ne m'adresse de nouveau plus la parole. C'est un peu mieux, j'ai droit à un sourire en prime d'un bonjour discret le matin. Mais c'est tout. Il va me rendre folle.

Dans deux semaines, les vacances de Noël arriveront enfin. Je vais retrouver mes parents pour célébrer les fêtes et j'ai hâte de pouvoir quitter cet appartement.

- Hello.

Côme arrive dans la cuisine, la tête encore fatiguée. Ses cheveux sont en bataille et ses yeux encore gonflés. Il est mignon.

- Salut.

Il décide de s'asseoir en face de moi dès qu'il a préparé son petit-déjeuner et je ne peux m'empêcher de fixer ses tartines. Il a mélangé de la confiture avec... du fromage ?

J'ai trouvé mon double maléfique en nourriture. J'adore faire des mélanges étranges aussi et ma mère était la reine pour en créer toujours des nouveaux dès que je ne voulais plus manger.

Sans un mot, il ne relève même pas sa tête de son téléphone et glisse une de ses tartines devant moi.

- Tiens, mange.

- Merci.

Je suis gênée parce qu'encore une fois, quelqu'un a de la pitié pour moi. Mais lorsqu'il se décide enfin à me regarder, je me détends en constatant qu'il ne transmet que de la gentillesse. Son geste était simplement innocent.

- J'ai toujours tout mélangé dans mes repas. Tremper du fromage dans un chocolat chaud, manger du riz au ketchup et à la mayonnaise, mélanger des fruits avec de la salade verte,.. bref, j'ai toujours été chelou. J'espère que ça te plaira quand même !

Il éclate de rire en me voyant observer le fromage recouvert de confiture à la fraise et j'en fais autant sans pouvoir m'arrêter.

- Je comprends, je suis pareil. Quand j'étais petite, j'étais tout le temps malade et je vomissais souvent. Chaque repas était difficile et plus tard, je refusais carrément d'avaler quoique ce soit. Ma mère a décidé de varier mes repas en mélangeant tout et n'importe quoi, et depuis.. je ne peux rien manger si ce n'est pas mélangé à du ketchup. Je suis ouverte aux nouveautés !

Nous partageons ce moment dans les rires et les confidences débiles et ce moment me fais du bien. J'oublie tout le reste.

- Je vais aller faire des photos, si tu veux m'accompagner.

Il cale son téléphone contre une bouteille de jus de fruits en laissant une vidéo YouTube tourner et attends une réponse.

- Je ne me sens pas très bien. Je pense qu'il vaut mieux que je reste ici.

- Je ne traînerai pas longtemps. S'il te plaît, je n'ai pas envie de sortir solo.

Tiraillée entre mon envie de prendre l'air et celle de rester cloîtrée ici, je décide finalement de céder.

- Ok. Mais pas longtemps !

Il sourit, victorieux. Le reste du petit-déjeuner se passe en silence et pour la première fois depuis longtemps, je termine cette tartine sans en laisser une miette.

***
Appareil photo, ok. Manteau, ok. Chaussures, mises. Je suis prête à partir. J'ai choisi une tenue confortable pour pouvoir sortir sans avoir trop froid et maintenant que je suis prête, j'hésite. Mais dès que Côme me rappelle à l'ordre, je le rejoins rapidement à l'entrée. Nous n'avons pas encore croisés nos frères, je pense qu'ils dorment toujours.

- Tu es prête ?

- Allons-y.

En bas de l'immeuble, Côme rejoint une petite voiture qui a l'air d'avoir déjà bien vécue. Clés en mains, il s'apprête à monter.

- Tu veux conduire ?

- Non merci, je te laisse les commandes.

Même si j'ai mon permis, je déteste conduire. Je n'ai même pas pris ma voiture pour venir ici.

- C'est parti alors. Tiens, choisi la musique.

Il me tend son téléphone et démarre rapidement. Je choisi une playlist au hasard et nous roulons dans un silence agréable.

- Je vais te montrer un coin tranquille. J'aime bien ce spot pour faire des photos, et si j'en crois ton appareil, je crois savoir que tu aimes aussi la photographie ! Ça va te plaire.

Je n'ai pas toucher à cet objet depuis six mois. Mais aujourd'hui, j'avais envie de réapprendre à m'en servir. J'ai besoin de me raccrocher à quelque chose.

Je suis mal à l'aise lorsque nous arrivons et que je découvre l'endroit en question. Il n'y a personne et la forêt qui s'étend devant moi est aussi jolie qu'inquiétante. Je ne suis pas sortie seule avec un garçon depuis Maël, et j'ai du mal à refaire confiance aux hommes. Mais je sais qu'ils ne sont pas tous pareils.

Tout du moins, j'essaie de m'en persuader. Alors je ravale mon angoisse et sors du véhicule, sourire aux lèvres.

- Tu vas voir, c'est magnifique.

Je le suis de près et nous grimpons sur quelques mètres avant d'arriver sur un spot en hauteur. Entourée d'arbres recouverts de neige, je me sens bien. Face à moi, un lac gelé est là, rendant ce moment encore plus spécial.

- Wow.

Fier de ma réaction, Côme sourit et dévoile parfaitement ses dents. Il est plutôt craquant si je m'attarde deux secondes sur son physique.

- Je viens souvent ici quand quelque chose ne va pas. Et puis à n'importe quelle saison, le paysage est toujours beau. Je peux prendre mille photos sans jamais m'ennuyer.

J'attrape mon appareil et prends plusieurs clichés. Côme en fait autant et tourne discrètement l'objectif dans ma direction. C'est lorsque j'entends le « clic » que je comprends qu'il vient de figer cet instant.

- Ne me prends pas en photo !

- Et pourquoi pas ?

J'hausse les épaules, vaincue.

- Je n'ai jamais pris personne en photo. Je préfère la beauté des paysages et de ce qui m'entoure. Je suis incapable de capturer des gens. Alors je ne sais pas ce que tu peux trouver de joli dans le fait de me photographier.

- Les humains ont quelque chose de fascinant à mes yeux. Le regard, les gestes, les émotions. Tout est retranscrit et enregistré sur une photo. J'aime sauvegarder ces moments. Regarde.

Il s'approche de moi et me montre l'écran de son appareil. Il fait défiler plusieurs clichés et je suis bien obligée d'admettre qu'il a du talent. Sur la dernière photo, je me vois. C'est une impression étrange. Je me déteste depuis toutes ces semaines et en un cliché, Côme réussi à me rendre belle le temps d'un instant.

- Je comprends.

Je souris comme une imbécile et décide de me remettre à marcher avant de fondre devant lui. J'ai l'impression d'avoir à nouveau à quatorze ans.

Je sens que Côme pourrait prendre une place importante dans ma vie si je lui en laissait l'occasion.

The harmony of our heartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant