Je me réveille le lendemain matin avec un grand vague à l'âme. J'ai envie d'appeler Sacha et de poursuivre la conversation que nous avons eu la veille. Je sais qu'il choisira toujours Gabriel mais j'ai lu dans ses yeux qu'il ne peut pas se résoudre à me détester indéfiniment.
Ma meilleure amie saurait quoi faire. Je tente ma chance et me connecte sur Messenger et lance un appel vidéo.
- Estelle, enfin tu te connectes en même temps que moi !
- Salut Charline, oui désolé c'est la folie en ce moment. Il y a trop de choses à penser à l'approche de l'exposition mais rien n'est prêt, j'explose en plein vol !
- Tu n'es pas seule à gérer ce projet, tu as du soutien de la part de tes collaborateurs ?
- Oui mais nous sommes tous au bord du burn-out. Les fournisseurs ont du retard, certains artistes nous ont lâché en cours de route, bref tu connais les problématiques de la gestion d'une entreprise !
- J'en ai un vague souvenir oui, plaisanté-je.
- Je n'ai pas une minute pour mes créations tu te rends compte ?
- Tu as fait la moitié du contrat, tu pourras souffler en rentrant à Marny.
- Si je n'envoie pas tout balader avant. J'étais flattée lorsqu'on m'a proposé ce poste mais je déchante depuis plusieurs semaines.
- Tu es sous pression c'est normal, ça ira mieux quand l'exposition aura commencé.
Je sens qu'Estelle est trop perturbée pour lui parler de mon échange avec Sacha hier.
J'ai le plaisir de retrouver Samuel lundi midi au restaurant. Pour une fois je peux me consacrer entièrement à lui sans avoir une pensée pour la cuisine, la salle et les clients.
- Annabelle a l'air d'avoir bien pris ses marques ?
- Elle gérait des commerces bien plus imposants auparavant du coup c'est d'une facilité déconcertante pour elle.
- Alors tu t'es remise de samedi soir ? J'espérais qu'il ne lance pas le sujet.
- Ce n'était qu'une question de temps avant que je croise l'un ou l'autre.
- Tu regrettes ?
- Je regrette quoi ?
- Que je sois entré dans ta vie ?
Je suis un peu vexée par sa question.
- Bien sûr que non mais je ne peux pas tirer un trait radical sur ma vie passée en un claquement de doigt !
Je parle plus fort que je l'ai voulu et les clients se retournent tous sur nous.
- Si tu as besoin de temps je comprendrai. J'ai la conviction que si Gabriel n'était pas tombé sur cet email tu ne l'aurais jamais quitté.
- J'aurais sûrement laissé pourrir notre relation. Je ne suis pas très douée pour prendre de grandes décisions et pourtant depuis plusieurs semaines je ne fais que ça !
- Tu m'en veux de t'avoir séduite alors que tu étais toujours en couple ?
- J'aurais pu y mettre fin, j'ai essayé mais l'attraction était trop forte...Je sors discrètement mon pied de ma ballerine et le laisse se balader sur sa jambe sous la table. Je le regarde droit dans les yeux et pince mes lèvres.
Nous ne prenons pas de desserts. Il règle rapidement le déjeuner et nous courrons à l'étage.
- Mon cours débute dans moins de 30 minutes.
- Alors ne perds pas une seule seconde.
Il m'embrasse avec passion et me porte sur le lit. Il enlève mes habits à la hâte puis les siens. Je suis allongée sur le ventre et il déplace tous mes cheveux du même côté. Je sens son souffle sur mon oreille et ses doigts et ses baisers tout le long de mon dos.
- 27 minutes Monsieur le professeur, lui murmuré-je.
Il commence en douceur puis accélère au rythme de mes soupirs. Je m'accroche aux draps et enfonce la tête dans le coussin. Habituellement nos ébats sont lents et tendres mais aujourd'hui sous la contrainte du temps je découvre un Samuel sauvage.
- Tu reviens ce soir ?
- Pour mon corps ou pour le piano ?
- J'hésite ...Par contre tu devrais prendre dix secondes pour te recoiffer, pouffé-je.
- Je vais vraiment être en retard.
Je reste un long moment à traîner à l'appartement et à vérifier mes emails et mes messages. Il faut vraiment que je trouve un agent ! Je refuse de vivre aux crochets de mes parents.
Ma mère a essayé de me joindre la semaine dernière et m'a laissé un message vocal. Elle voudrait qu'on déjeune ou dîne tous les trois chez « nous ».
Je fais les comptes. Entre l'argent laissé par Elisabeth et Jean et les 50 000 € que m'ont donné mes parents j'ai un peu de temps avant de m'inquiéter.
Je parcoure à nouveau les agences artistiques, les réseaux, toutes ressources qui pourraient me donner une piste pour un nouveau contrat. Personne ne semble se battre pour moi et je ressens une grande frustration. Comment faire la différence alors que je n'ai pas fini le conservatoire. Je suis consciente que j'ai un bon niveau mais je dois être excellente. Je travaille tous les jours des morceaux complexes, je les connais par cœur et je ne fais jamais d'erreurs. Cela devrait compter dans la balance ?
La soirée arrive et l'euphorie du midi à laisser place à une petite mélancolie.
Lorsque Samuel arrive le sourire aux lèvres et l'œil coquin il comprend que l'ambiance n'est plus la même.
- On dirait que la magie a disparu en quelques heures ?
- J'ai une excellente capacité à passer du rire aux larmes en un instant.
- Tu veux en discuter ?
- Oh tu sais rien de nouveau. Je suis en plein doute. J'attends désespérément un miracle qui ne se produit pas. J'espère que la sortie prochaine du clip va accélérer le processus.
- Tu n'as pas choisi la voie la plus facile. Tu commences juste et tu as déjà participé à l'enregistrement d'un album et tourné dans un clip !
- Tu me trouves trop impatiente ?
- Pendant des mois tu as vécu à mille à l'heure à essayer de sauver le commerce du naufrage, ce que tu as réussi d'ailleurs et là tu te retrouves avec du temps que tu n'as jamais eu. Respire profondément et savoure.
- Comment tu fais pour être si optimiste ?
- J'ai appris que la vie prend mais peut aussi donner en retour. Il y a trois ans j'ai cru que je ne me relèverai jamais. Tu as déjà vécu beaucoup d'épreuves, ne t'en inflige pas davantage. Tu as lancé la machine, laisse faire le temps.
- Ma mère m'a contactée la semaine dernière. Tu crois que je devrais la rappeler ?
- Est-ce que tu en as envie ou tu te sens redevable ?
- A chaque fois qu'on se voit cela fini en drame ou en dispute.
- Crève l'abcès une bonne fois pour toute et tu verras ou ça vous mènera.
La semaine suivante mes parents ont aménagé leur planning afin que nous dinions ensemble.
Je me gare devant le portail et appelle l'interphone. J'ai égaré ou jeté le bip il y a plusieurs années, c'est un peu flou !
VOUS LISEZ
Les délices de Charline
De TodoCharline a passé toute sa vie à Marny, petit village provençal entourée de ses amis et de ses parents de cœur. A leurs décès elle hérite du commerce et va devoir affronter des difficultés importantes. Elle est à un tournant de sa vie et chaque décis...