La Faucheuse

Chapitre 10 - Un coup à trois et ça repart.

Gwen

Je n'ai jamais vécu une journée aussi longue. Et pourtant, j'en ai vu passer des biens merdiques, mais celle-ci bat des records.

Après avoir assuré à Nana que j'avais un plan pour la sortir de cette complication plus qu'inquiétante, je l'ai mise au lit avec un bon thé et l'ordre de faire une bonne nuit reposante. Pendant que mon propre thé infusait, je me suis lavée pour retirer cette impureté qui me colle à la peau, puis me sustenter rapidement avant de partir au repère pour changer d'air et surtout pouvoir m'aérer l'esprit.

Quand Steph m'ouvre la porte, elle comprend tout de suite à mon expression que c'est un soir de beuverie pour moi.

Cependant, l'alcool n'est pas le meilleur moyen d'échapper à ses problèmes, car au lever du jour, ils reviennent inlassablement avec une bonne gueule de bois et un mal de tête carabiné en bonus.

Mais souffler quelques heures ne va pas me faire de mal...

Ces derniers temps, j'ai la sensation de porter notre famille à bout de bras, d'être la seule à me soucier un minimum de ce que l'on pourrait devenir, si personne ne prend la peine de s'occuper des unes et des autres. Je ne peux pas compter sur ma mère qui, en plus d'avoir disparu depuis plusieurs mois, n'a jamais été une figure parentale, à proprement parler.

C'est Nana qui m'a prise sous son aile quand je suis sortie de la crèche. Ma mère est plus comme une grande sœur sympa avec qui discuter potins et avec qui échanger des vêtements, mais je ne vois pas en elle le respect qu'un parent apporte à son enfant comme Nana me le fait ressentir.

Mais est-ce vraiment sa faute ? Bien sûr que non. Qui peut reprocher à une femme ayant eu un bébé, en étant encore soi-même un, de prendre ses responsabilités vis-à-vis de l'éducation de sa fille ? Personne.

S'il y a quelqu'un à blâmer dans l'histoire, ce n'est pas elle.

— Oh... entre, Angie est derrière le bar ce soir.

Elle m'offre une étreinte rapide avant de me relâcher, non sans m'avoir fait promettre de lui parler si j'en ressens le besoin.

Cette fille est une perle rare.

Je suis surprise de voir que dans la pièce principale, une douzaine de femmes sont présentes.

Je salue Sally qui joue à une table de poker avec Maeve et Vanessa. Toutes les trois âgées d'une trentaine d'années, elles habitent non loin de l'immeuble de Nana et maman. Je les connais depuis plus de dix ans, après mon emménagement, je les ai croisé une à une dans les rues de notre quartier. Au début je me perdais souvent et elles m'ont toutes aidé à leurs façons.

Sally est plutôt bourrue et avare de paroles, ce qui contraste énormément avec son physique gracile. Maeve est aussi douce qu'un nourrisson. Elle ne sait pas dire non et le moindre conflit, une dispute ou une bagarre, voire un haussement de voix, lui met les larmes aux yeux.

Quant à Vanessa, c'est la maman du groupe. Elle est toujours là pour les autres et fait toujours attention à ce que les besoins de tous soient bien pourvus.

Je m'assois sur l'un des tabourets du bar et suis surprise de voir Anabelle, derrière et non pas Angie. Son carré brun, coupé à la perfection brille sous la lumière des spots, ses grands yeux noisette me détaillent de la tête aux pieds avant que ses lèvres pulpeuses, teintées de rouge, ne se pincent de désapprobation.