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Une assemblée agitée discutait dans la vaste salle. La décoration sobre dans des tons froids conférait un air de grandeur à l’ensemble, les piliers unis s’élevaient jusqu’à un plafond voûté gris semblable à celui d’une cathédrale. À l’étage, sur des balcons, les Exécuteurs suivaient la réunion depuis leurs loges. C’était le concert d’hommes politiques les plus éminents du pays, appelé le Congrès, il se tenait régulièrement pour débattre des affaires de l’État.
« Cela faisait longtemps que tu n’étais pas venue, Lazuli.
- Ma présence n’est pas requise ici, Dottore. »
Celui-ci l’avait rejointe dans une loge qui n’était attribuée à personne, dans laquelle les Exécuteurs pouvaient se réunir.
« J’ai été envoyée par Regrator, expliqua-t-elle, il ne pouvait pas s’y rendre et cette fois-ci il avait besoin que je rassemble des informations.
- En tout cas, ça me fait plaisir de te revoir. Cela faisait un moment que je ne t’avais pas croisée. »
Il s’approcha d’elle mais elle ne lui accorda pas un regard. Debout près de la balustrade, son attention était fixée sur le rassemblement en contrebas. Elle avait revêtu une tenue d’agent grise et arrangé ses cheveux en une tresse ramenée sur son épaule. Son regard concentré ne perdait pas un détail de ce qui se passait, elle était particulièrement jolie.
« Je m’étonne que les représentants se préoccupent autant des Tisserands, reprit-elle, ils ont pourtant d’autres questions à résoudre.
- Il faut bien qu’ils aient un sujet un peu exceptionnel dont se soucier, répondit le Dottore avec son habituel amusement, les autres sont des thèmes ordinaires. Nous les laissons se réunir de cette façon pour qu’ils aient l’impression d’avoir leur mot à dire dans la politique du pays, alors certains prennent leur rôle à cœur. Même s’ils sont tous conscients d’être sous notre surveillance. »
Lazuli ne répondit pas. Les débats s’échauffaient, les hommes politiques semblaient particulièrement divisés sur la façon de traiter les Tisserands. Alors que les voix s’élevaient, un héraut clama :
« Sa Majesté la Tsarine, Impératrice de notre pays et Archon de la Glace, vous honore de sa présence. Elle va assister au Congrès, veuillez la saluer ! »
Des murmures vifs parcoururent le groupe, qui cessèrent à l’instant où la silhouette impériale paraissait à son balcon. Elle portait une somptueuse robe dans des tons bleus et blancs, sa parure était de saphir et d’argent, et sa magnifique chevelure cascadait dans son dos et autour d’elle. Tous les responsables lui présentèrent unanimement leurs respects, les Exécuteurs s’inclinèrent, et Lazuli mit un genou à terre. Quand elle releva la tête, elle osa regarder la souveraine. Elle ne l’avait encore jamais approchée, et si elle l’avait déjà aperçue plusieurs fois au palais c’était rare de la voir ainsi, entourée seulement de son aura de déesse. Son regard la surprit, incroyablement distant, la Tsarine avait les yeux posés sur elle et pourtant leur bleu n’exprimait rien à part une sorte d’indifférence. Sans plus témoigner d’émotion elle les reporta sur ceux qui étaient réunis en contrebas et l’assemblée reprit.
L’agent se releva, intriguée, et remarqua qu’Il Dottore la regardait du coin de l’œil d’un air amusé.
« Elle est particulière, n’est-ce pas ?
- Je ne sais pas ce que vous avez en tête, mais je suis d’accord. Elle semble ailleurs, je me demande ce qu’elle pense…
- Probablement des sujets que nous autres, pauvres mortels, ne pouvons comprendre. Tu aimerais la rencontrer ?
- Si mon Maître juge que c’est bon, oui.
- Tiens, tu es plus affirmée qu’avant.
- Dottore, cessez immédiatement votre moquerie.
- J’étais honnête. Auparavant, tu aurais dit que Pantalone en déciderait. Mais là, tu viens d’exprimer ton désir personnel. Tu grandis, Lazuli, et tu deviens une jeune femme admirable.
- Et vous vous n’avez toujours pas renoncé à vos sentiments.
- Comment le pourrais-je ? »
Badin, il lui prit la main avec douceur. Elle lui jeta un regard noir et la retira discrètement pour ne pas provoquer d’esclandre. D’un geste, elle lui fit signe de se reconcentrer sur le débat.

Lazuli - Cycle deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant