60

7 1 0
                                    

Elle observait la lune au-dessus du palais depuis un balcon. Ses rayons se déversaient sur un jardin en contrebas, l’enveloppant d’une ombre bleutée illuminée çà et là de blanc. Cette vue la rendait nostalgique, sans savoir pourquoi, elle n’avait pas de raison particulière de l’être mais ce sentiment l’avait prise alors qu’elle admirait les plantes épanouies dans la quiétude nocturne. Elle esquissa un sourire, se disant que si son maître le savait, il s’en amuserait probablement. Mais lui n’avait pas ce genre de souci bien qu’il soit léger, il menait ses affaires avec décision et sans douter un seul instant. Elle non plus ne pensait pas que le succès leur échapperait, mais elle craignait qu’il leur arrive quelque chose pendant qu’ils accomplissaient leurs projets. Quand elle se retrouvait seule ainsi, elle pensait à la situation, et elle se sentait incertaine quant à l’avenir.
Elle eut un léger soupir, et chassa ces réflexions. Elle voulait profiter de ce moment, et savait bien que ce n’était pas en tournant ces pensées dans sa tête qu’elle résoudrait les choses. Il était rare que le palais soit si tranquille, elle aimait quand il était plongé dans le silence et que tout était immobile, elle avait l’impression que les lieux n’étaient qu’à elle et qu’elle pouvait s’y promener librement. Après avoir contemplé le jardin pendant de longues minutes, elle quitta la balustrade et se détourna pour rentrer. Alors qu’elle allait franchir la porte, elle se retrouva face à une silhouette d’une haute stature. Elle s’arrêta et l’identifia, c’était quelqu’un qu’elle connaissait. Il la considéra un instant de son regard froid avant de prendre la parole :
« Cela faisait longtemps, Lazuli.
- Pierro. » dit-elle en lui faisant une révérence.
Elle s’écarta et il entra sur le balcon. Un temps passa puis il demanda :
« Tu n’as pas de mission, en ce moment ?
- Non, en effet. Avec la récente accalmie, j’ai pu m’accorder une brève pause.
- Je vois. Ils préparent déjà leur prochain coup, mais doivent prendre du temps pour se reprendre. »
Il se tourna vers elle et elle acquiesça :
« Oui, nous les avons suffisamment affaiblis et ils n’ont pas les moyens d’agir avant quelques jours si ce n’est semaines. C’est pour cela que les ordres actuels ont été confiés aux agents réguliers.
- Que penses-tu de la situation ? »
Surprise, elle ne répondit pas. Le chef des Exécuteurs qui lui demandait son point de vue sur les circonstances était une chose à laquelle elle ne s’attendait pas. Elle se ressaisit. Quelques années plus tôt, elle n’aurait su que faire de son avis, ou elle n’aurait pas osé l’exprimer, mais à présent elle avait changé. Elle connaissait son opinion, et n’hésiterait pas à l’exprimer. D’un ton respectueux et posé elle prit la parole :
« Je pense que nous sommes en bonne voie pour gagner, ce n’est qu’une question de temps. Nous avons considérablement réduit leurs forces de l’ombre, et le parti a toujours autant d’opposants plus établis que lui, et le fait qu’il ne soit pas le seul parmi les voix des différentes factions lui enlève l’opportunité d’étendre son pouvoir. Cependant, les Tisserands nous ont causé beaucoup de troubles et d’une gravité sans cesse augmentante, ce qui montre que nous n’aurions pas dû les sous-évaluer dès le début.
- Tu n’as pas tort. Tu es clairvoyante, Pantalone a bien choisi son agent. »
Il se tut ; elle attendit, se demandant s’il allait ajouter quelque chose. Elle avait été étonnée qu’il admette de façon si factuelle qu’elle avait vu juste, mais n’aurait pas l’audace de se demander à quoi il pensait. Il se détourna et reprit :
« Les prochaines missions vont être plus difficiles, prépare-toi. C’est quand on s’attaque aux dernières forces que l’adversaire libère son énergie. Tous ces pions vont opposer une résistance acharnée.
- Je le garderai à l’esprit.
- Ils ne vont pas se laisser anéantir si facilement. » dit-il comme pour lui-même.
Il y eut un silence, et il déclara :
« Tu peux t’en aller.
- Bien. »
Elle fit une nouvelle révérence, et se retira silencieusement.

Lazuli - Cycle deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant