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Les gens passaient dans la rue grise, en un va-et-vient perpétuel. À l’abri d’un passage, elle observait cette scène du quotidien tranquille des habitants de la capitale. Elle venait de consulter des documents chez le duc Eylhan et avait pu confirmer qu’il était innocent. À présent, elle allait assassiner la figure stratège des Tisserands. Pour cette mission, elle avait revêtu une robe noire et bleu obscur, elle devait se fondre dans le décor, et accomplir son fait sans être remarquée. Elle était rassurée pour son maître que leur allié ne soit pas un traître, mais en ce moment son humeur était mélancolique. Elle allait encore mettre un terme à une vie, qui plus est d’un personnage qui lui était légèrement sympathique. Ce sentiment l’étonnait, après tout il était un inconnu pour elle mais elle l’avait vu en action au Congrès et il lui avait paru amical. Il était animé d’un feu audacieux et d’une conviction à toute épreuve, et lorsqu’il défendait sa cause un éclat volontaire brillait dans son regard.
Elle se reprit et repoussa ces pensées. C’était justement à cause de ces traits qu’il représentait un risque pour eux, et elle se devait de protéger les intérêts de celui qui lui avait tout donné. Elle allait arrêter les actions de celui qui les menaçait aujourd’hui même. Elle couvrit sa tête d’un voile sombre et s’avança dans la rue. Elle dissimulait ainsi ses traits, et il n’était pas rare pour les femmes de l’aristocratie de faire ainsi, même s’il s’agissait plutôt des veuves ou des femmes en deuil. Ce moyen lui assurait également la tranquillité, les gens avaient tendance à s’écarter sur son passage. Elle avait pensé sa tenue jusqu’à ce détail, et avait de même choisi une robe cousue dans un style différent de d’habitude, pour ne pas qu’on reconnaisse la marque de sa maison.
Alors qu’elle suivait la voie elle marchait le long des maisons, pour éviter de devoir ralentir son pas vif. Il y avait foule dehors, de nombreux citadins étaient sortis profiter des rayons dorés, tous les rangs et les offices se croisaient dans une animation continue. Elle poursuivit son chemin sans prêter attention à ces détails ordinaires, ses sens néanmoins éveillés en quête d’éventuelles menaces. Après avoir remonté la rue principale, elle s’orienta dans les sentes plus étroites qui l’entouraient. Il lui fallut quelques minutes pour parvenir à un passage à la chaussée de pierres qui donnait sur un escalier du même matériau. Elle monta les marches lentement et arriva sur une petite terrasse ensoleillée qui surplombait des jardins. Elle s’approcha du bord opposé et regarda l’espace devant elle. De l’autre côté d’un parc maintenu vert par l’énergie élémentaire s’élevait une propriété aux murs beiges. Au rez-de-chaussée une fenêtre était ouverte, un homme y était installé dans un fauteuil et lisait. Elle reconnut sa cible et son cœur se serra brièvement.
Oublieux du monde autour de lui, il était totalement absorbé par son histoire et un fin sourire se dessinait sur ses lèvres. Il n’y avait personne dans le jardin, aucune autre ouverture ne donnait sur ce côté pour les autres maisons, et nulle silhouette ne passait derrière les autres vitres de cette demeure. La jeune femme s’appuya sur le muret et arma son arbalète. Elle avait emporté des munitions de base, du modèle simple que l’on trouvait partout, pour demeurer inidentifiable. Elle n’avait pas le cœur de le tuer directement.
Elle inspira, visa, et appuya sur la gâchette. Le carreau partit et fila droit vers son objectif. Elle s’assura qu’il l’avait bien atteint et que c’était fini, et se détourna. En s’éloignant, elle réajusta le voile que le vent avait fait glisser.

Lazuli - Cycle deuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant