Sa petite fille

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Hugo Han Kan est un homme curieux et attentif à tous les détails. Il passe son temps à redresser les petites lunettes rondes qui lui tombent sur le nez et à caresser le livre qu'il a sur les genoux.
Soudain, après dix minutes de silence et d'immobilité, il se lève et fait tomber au sol son livre, dont il avait apparemment oublié la présence sur ses jambes.
- Bien, j'imagine que si vous êtes venus jusqu'ici, ce n'est pas pour parler de la pluie et du beau temps, même si à mon sens, c'est un très bon sujet de conversation.
Oui bah... chacun ses goûts...
Je suis pour une fois d'accord avec toi, cher esprit.
- Est-ce votre grand-mère qui vous envoie ? J'ai une totale confiance en elle, c'est une femme charmante...
- Était. Elle était une femme charmante, dis-je en interrompant sa phrase.
- Comment cela ? Voulez-vous dire qu'elle est... enfin qu'elle n'est plus...
À son visage ravagé, je devine que j'ai fait une erreur.
Y-a-t-il une façon plus brutale d'apprendre à quelqu'un la disparition d'un ami proche ?
Je ne pense pas.
- Je... Je suis désolée. J'ai affreusement manqué de tact, je n'aurais pas dû être si directe...
- Donc elle est...
- Oui, enchaîne Keleana, elle est partie.
- Oh.
Un simple mot qui suffit à faire tomber un silence endeuillé dans la pièce.
Ce simple mot qui me fait regretter par-dessus tout d'avoir manqué d'autant de douceur et de tact.
Soudain, Han Kan sort de la torpeur dans laquelle il était plongé et nous regarde fixement.
- Que puis-je pour vous ?, répète-t-il.
- Eh bien... Nous aimerions des renseignements. Grand-mère était là mieux placée pour nous les fournir mais comme elle est... Enfin voilà, on s'est dit que vu que vous étiez amis, elle vous aurait peut-être partagé ses travaux ?
- Alice a eu deux grands sujets d'étude durant sa vie entière. Les Harpies et les Elfes. Les deux la passionnaient beaucoup, mais elle ne m'a fait part de ses découvertes que sur l'un des deux. Les Harpies, dit-il avant que j'aie pu le questionner.
Les Harpies.
Mon cœur bat soudain plus vite, sachant que nous allons savoir ce que nous avons besoin de connaître sur ces créatures.
- À quel sujet puis-je vous renseigner ?
- Les Harpies, dis-je le cœur palpitant.
- Ah... Très bien. Que voulez-vous savoir sur ces monstruosités ?
Je regarde Keleana, Tam, Sonia et Laya, qui sont tous les trois restés silencieux depuis que nous sommes entrés.
- Nous voudrions savoir comment...
- GRAND-PÈRE !!! À qui parles-tu ?
La voix est féminine et vient de derrière une petite porte que je n'avait pas remarqué en arrivant.
- Viens ! Je vais te présenter quelqu'un, répond Han Kan sur le même ton.
La porte s'ouvre alors sur...
Irika !?!
Qu'est-ce qu'elle vient faire là, elle ?
Ne parle pas comme ça de la petite fille de Han Kan, espèce de conscience écervelée, même si j'avoue me l'être demandé aussi...
Mais d'ailleurs, Irika est la petite fille de Hugo Han Kan ?
Au visage de la jeune fille, je devine qu'elle est aussi heureuse que moi de me revoir, c'est à dire pas du tout.
- Qu'est-ce que tu fais là ?, demandent en chœur Irika et Sonia.
- Irika, voyons, ce n'est pas une manière d'accueillir les petites filles d'Alice Handal, dit son grand-père en nous montrant du doigt, ma sœur et moi. Tu sais, je t'avais déjà parlé d'elle, c'était une grande amie à moi.
- Oui Grand-père, je me souviens. Mais Sakura n'est pas sa petite fille. Si ?
- Si, je réplique, j'étais la petite fille d'Alice Handal. Malheureusement, elle est morte et nous n'avons pas eu d'autre choix que de venir voir ton grand-père.
Irika, s'étant rendue compte que j'ai parlé de Grand-mère au passé, me regarde avec un pitié et une compassion sincères. C'est nouveau de sa part.
- Donc, dit soudain Han Kan, que voulez-vous ?
- Pourriez-vous nous indiquer le chemin du Repère des Harpies, s'il vous plaît ?
- Malheureusement, je ne connais pas la route qui permet d'y accéder...
À ces mots, je sens s'effondrer en moi l'espoir que j'avais accumulé comme une avalanche intérieure.
- Heureusement, je connais quelqu'un qui connais la route pour y accéder !
- Qui est-ce ?, je demande avec un regain d'espoir.
- Il s'appelle Rémon et il vit dans la forêt, dans une charrette peinte en blanc. Vous ne pourrez pas le manquer. Lui, il vous guidera. Mais attention ! Il ne donne rien sans rien. Irika, reprend Han Kan après une pause, je t'ai un jour appris le chemin qui permettait de rejoindre un homme dans la forêt. T'en souviens-tu ?
- Oui Grand-père, mais pourquoi me poses tu cette question ?
- Parce que j'aimerais que tu accompagnes Sakura, sa sœur et les trois autres chez Rémon.
- Mais... Quoi ? Non. Jamais de la vie !
- Irika, ma chère petite, ce n'était pas une question.
La voix de Han Kan est douce mais son ton ne laisse pas de place à une quelconque réponse.
- Très bien, j'irais.
Irika nous accompagne donc dans notre voyage.
À cette pensée, je jeté un coup d'œil à Sonia qui fulmine et prend sur elle pour ne pas exploser de rage.
- Bon, on y va ?, demande-t-elle. Plus vite on partira, plus vite on rentrera et plus vite Irika sortira de mon champ de vision !

Sakura : la Porteuse des ÉlémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant