Livre 1 - Sakh-Albur (4)

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Ils roulèrent toute la journée sans même prendre le temps de s'arrêter pour manger, malgré les vives protestations de Fahnish, qui déclarait être un être civilisé et bien élevé et que manger en roulant était une atteinte aux millénaires d'évolution qu'Erioss avait offerts à cette planète. Heureusement la faim prit vite le dessus, et il oublia sans peine l'évolution et tout ce qui s'en suivait pour engloutir son sandwich au poulet et une bonne moitié de l'outre de lait de chèvre que Sankh avait pris le soin d'apporter.

- Un être civilisé en effet, dit le sage en adressant un clin d'œil à Oleïa, ce petit n'en rate pas une pour se rendre intéressant.

- Pourtant vous avez l'air de bien vous entendre.

Oleïa avait cru voir une faille dans l'habituel quasi-mutisme du Sage, et elle était bien décidée à avoir un maximum de réponses tant qu'elle serait ouverte.

- C'est vrai. C'est mon élève depuis maintenant plus de vingt-cinq ans, et des liens forts se sont vite créés, répondit le vieux avec un sourire. Depuis la disparition de ses parents, il est devenu pour ainsi dire comme un fils pour moi.

Il se tourna vers elle et planta son regard dans les yeux de la Dalkane. Il tenait toujours les rênes à la main, mais semblait complètement désintéressé de la route. Les chevaux, eux, suivaient le chemin sans broncher.

- Je sais que vous... que tu as beaucoup de questions qui restent sans réponse, Dalkane, dit-il, soudain très solennel. Nous avons encore plusieurs jours de route, et le territoire ici est sans danger durant de longs kilomètres. Si tu le souhaites, je pense pouvoir répondre à certaines de tes interrogations.

Oleïa fut prise d'une excitation qu'elle jugea démesurée par rapport à la situation. Sa première question sortie d'elle-même :

- Pourquoi Fahnish se change en Lézard ?! Et pourquoi le grand général se prend pour un poète ?

Elle regretta immédiatement le ton de sa question. Shanwir et Sankh lui avaient parus proches et le visage du vieux s'était assombri en entendant ces mots.

- Shanwir est l'un des plus grands héros de notre temps, jeune insolente, une des Lances Dorées. Je te prierais de lui montrer le respect qu'il mérite.

Le ton sec du sage s'adoucit légèrement.

- Sa façon de parler est liée à son nouveau rang social, reprit le sage. Il n'était qu'un fils de bûcheron jusqu'il y a trente ans, lorsque sa compagnie, réduite à huit soldats et leur capitaine, a décimé seule les lignes de commandement Ksors et nous a donné la victoire, alors que notre armée était sur le point de rendre les armes. Sa broche est une médaille donnée par votre mère aux soldats après cet événement. La plume est un hommage post mortem à leur capitaine, Perkanth, l'Aigle d'Or, qui tomba ce jour-là et les huit lances représentent les huit soldats survivants, les Lances Dorées.

- Ah... répondit Oleïa avec une moue honteuse.

- Allez, ne te blâme pas tu ne pouvais pas le savoir.

Le sage avait retrouvé son petit sourire malicieux.

- Tout ça pour dire qu'il s'est mis en tête qu'une personne cultivée se devait de parler en image, et c'est ce qu'il fait pour montrer qu'il est à sa place parmi les gens de la 'Haute'.

- Oh, je vois ! Tel le ver de terre dodu il essaie donc de charmer la poule affamée qu'est la politique ? Dit-elle avec une grosse voix en mimant un fumeur de pipe.

Le sage jeta un regard sévère à Oleïa avant d'exploser de rire face à son imitation ridicule.

- C'est effectivement l'idée malheureusement, dit-il en riant. Quant à Fahnish, il se changeait simplement en sa forme originelle. Vois-tu, tous les Eriomiks viennent d'animaux que le pouvoir d'Erioss a fait évoluer, contrairement à ta race, les Erioms, qui descend directement des Dals. Certains d'entre nous peuvent se changer en leur forme originelle si leur Habakh, leur puissance magique, le permet.

L'Héritage des Gardiens T1 - Les Planètes JumellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant