Livre 2 - L'ILE DES ESPRITS (13)

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L'armée s'était arrêtée sur la rive sud du Lac d'Ulfan pour la nuit, puis avait chevauché deux jours durant dans les hautes herbes dorées de la grande plaine d'Aldar avant de s'arrêter à quelques heures à peine d'Aldaria. Sans relâche, Sankh avait pris soin d'Eloan. Le choc psychologique d'une intrusion dans son esprit avait été très violent, et il avait du mal à s'en remettre.

- Nous avons bien avancé, déclara le Comte. Nous serons à Aldaria demain matin. Les soldats de Makross doivent être au fleuve à présent, ils arriveront probablement dans deux jours.

Sankh hocha brièvement la tête à l'intention du Comte et sorti son Eclat de Manth. Il l'apposa sur le front du faune, le front plissé par la concentration. L'esprit d'Eloan ressortait peu à peu des limbes, mais un simple faux-pas, et tout pouvait être perdu pour lui.

Les sentinelles commencèrent leurs tours de garde au coucher du soleil, et la nuit se passa sans accroc.

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Le dragon prit son élan pour la énième fois, et cette fois Oleïa réalisa que si tout cela se passait dans son esprit, tout pouvait arriver.

Elle resta parfaitement immobile, prête à encaisser le coup. Elle vit la patte foncer à toute allure vers son visage, et la traverser comme si elle avait été un fantôme.

« Bien, jeune Eriom. Très bien. Continue comme cela. »

« Aha ! Je t'ai eu ! Yippee-ki-yay Pauv'c... » La queue du dragon la cueillit en plein dans l'abdomen et elle s'envola à plusieurs mètres de hauteur avant de s'écraser sur le sol rocailleux, le visage contre le sol et le souffle coupé.

« Ne deviens pas arrogante, jeune Eriom » reprit le dragon avec un sourire à peine perceptible.

Elle se releva difficilement.

« C'est mon esprit, c'est moi qui décide ! » hurla-t-elle en se ruant sur le dragon.

Elle roula sur le sol pour éviter la queue qui revenait comme un fouet, et sauta à plusieurs mètres de hauteur pour abattre de toutes ses forces son épée sur le cou du dragon, dont la tête roula sur le sol.

« Bien, tu commences à comprendre. Passons à la vitesse supérieure »

Le dragon disparut avec le paysage dans un tourbillon de couleurs.

« C'est comme chez les érudits à Aldaria » pensa Oleïa. « Donc je peux utiliser la magie facilement. » Elle essaya de se concentrer pour s'énerver et retrouver la chaleur dans son torse.

Elle se retrouva dans une forêt en Automne. Les feuilles orange et marron jonchaient le sol et un soleil pâle traversait les branches nues des arbres au-dessus de sa tête.

Devant elle, une fourmi énorme faisait claquer ses mandibules. Oleïa se pétrifia de terreur. De tous les insectes, il fallait que ce soit une fourmi... Sa phobie de toujours.

« La maitrise de l'esprit passe par la maitrise de ses peurs, jeune Eriom » dit la fourmi, avant de fondre sur elle.

« Je vais tuer Sankh, je savais que c'était un mauvais plan !! » pensa Oleïa en détalant à toute vitesse hors d'atteinte de la fourmi qui se mit à la poursuivre.

Ses mots résonnèrent dans l'air immobile de la forêt.

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Héli n'avait jamais mis les pieds dans un char à Skerbul. Les véhicules étaient faits d'une plateforme sculptée, fixée sur le dos de quatre de ces prédateurs affamés. Pour avancer, un gros morceau de viande fraiche était pendu devant chaque bête, qui se mettait à courir à une vitesse ahurissante pour s'en emparer. Les Skerbuls étaient les créatures terrestres les plus rapides, ainsi que l'un des prédateurs les plus dangereux d'Elekys.

L'intérieur du char était petit et instable, et les trois jours de voyage jusqu'à l'Ulfan avaient suffi à Héli pour qu'il décide qu'il détestait ce moyen de transport, si rapide soit-il.

Sur le fleuve, les débris d'un pont temporaire en bois et les ronds de cendres encore chaudes montraient que les Ksors n'avaient traversé le fleuve que quelques heures avant eux.

- Nous dormirons ici cette nuit, Je ne veux pas être surpris par ces larves de Skerbuls pendant la nuit, dit Héli avant de jeter un coup d'œil aux créatures hexapode qui avalaient (enfin) leur dîner. Enfin vous voyez ce que je veux dire...

Il s'adossa à un arbre face au fleuve, et Crost se joignit à lui.

- Les « Découpeurs » seront-ils bientôt là ? demanda-t-il au vieil homme en allumant sa pipe.

- Bientôt en effet

Ils nous auront rattrapés

- Bien. Puis-je vous poser une question indiscrète, Capitaine ? demanda Héli en tirant une bouffée de lakur.

- Avec plaisir Commandant,

Demandé si gentiment !

- Vous vous exprimez comme un Homme du Désert, mais il n'en est pas de même pour les autres Capitaines, pourquoi ?

- Ah, j'attendais cette question,

Et comprends votre confusion.

A Korpann je suis né,

Il y a bien des années.

Je ne suis pas un soldat

Mais l'ancien ingénieur en chef du Roi.

Cependant, mes confrères

Sont de vrais militaires.

Jadis ils servirent

Sous les étendards de l'Empire.

Héli hocha lentement la tête. « Des soldats de l'Empire » pensa-t-il en esquissant un sourire. « Voilà qui explique tout. »

L'Héritage des Gardiens T1 - Les Planètes JumellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant