Livre 1 : SAKH - ALBUR (1)

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« De tous les mystères qui entourent le passage entre les mondes,

Le changement de forme du Sakh-Albur reste le moins compréhensible. »

- Téo Siguéré, Maitre de conférences à l'IESEG* de Berkan

(*Institut d'Etudes Supérieures pour les Elites de Guerre)

Elle se réveilla en sursaut et mit un moment à oublier l'homme qui l'avait agressée dans son cauchemar.

La quarantaine, le teint halé et d'une beauté discrète, ses traits fins contrastant avec la musculature de son cou et la dureté de son regard, et ses cheveux blancs tirés en queue de cheval lui donnaient une allure de pirate. Une large cicatrice courrait le long de sa joue, de la base de son menton jusqu'à son oreille gauche. Derrière lui elle avait vu un emblème : deux ailes d'argent se réunissant autour d'un heptagone blanc. L'image ne quittait pas son esprit. Même s'il avait essayé de l'étrangler dans son rêve, elle se sentait attirée par cet homme, par ses yeux d'un bleu profond, par cette aura de confiance qu'il dégageait.

Elle secoua la tête, se frotta les yeux et se figea instantanément en reprenant ses esprits.

Elle n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait.

La paillasse qui lui servait de lit était fine et inconfortable, et avait été installée dans ce qui ressemblait à une remise d'une autre époque. Les étagères en bois rongé par les insectes et les quelques pièces de viandes disposées de-ci delà dans des sacs de sels lui donnèrent la nausée. Une odeur putride rendait l'air irrespirable. Les murs étaient suintants d'humidité, et les seules ouvertures étaient une lourde porte de fer au pied de son lit, et une porte battante à sa droite qui semblait mener à un deuxième sellier. L'air stagnait, et la seule lumière venait de la bougie presque fondue posée sur un vieux tonneau à côté d'elle.

Il régnait un silence oppressant, comme si la salle était plusieurs mètres sous terre.

Tout en restant sur son lit de fortune, elle regarda autour d'elle, osant à peine bouger la tête.

Le sellier ne semblait pas être à l'abandon, malgré l'état déplorable du mobilier. Aucune trace de poussière ou de déchets n'était visible, signe qu'elle se trouvait bien dans un lieu habité. Mais par qui ?

Ses muscles tremblaient tant ils étaient tendus, et des gouttes de sueur coulaient dans son cou. Malgré sa peur et son angoisse, elle trouva la force de ne pas hurler de panique. Elle n'avait aucune envie d'attirer les personnes qui l'avaient amenée (et enfermée ?) dans cette cave...

... Qui que cela puisse être d'ailleurs.

Elle se força à respirer calmement et à évaluer la situation, mais se trouva incapable de mener un raisonnement logique. Sa seule envie était de partir en courant sans se retourner, elle était incapable de réfléchir convenablement.

CHTAK !

Le bruit la fit bondir et la tira de sa tétanie. L'atmosphère l'étouffait à présent, et la flamme de la bougie vacillait dangereusement.

La salle, jusque-là parfaitement silencieuse, était à présent saturée de couinements d'agonie à glacer le sang. Elle se redressa. La peur reprenait peu à peu possession de tous ses sens, et son corps tout entier était parcouru de frissons glacials. Elle se recroquevilla fébrilement contre le mur, recouverte du drap sale qui lui faisait office de couverture, et dont le contact la rassurait. Elle resta dans cette position inconfortable durant de longues minutes, les yeux écarquillés, décidée à ne pas bouger, comme si elle voulait se fondre au mur pour échapper à la panique qui s'immisçait peu à peu en elle.

L'Héritage des Gardiens T1 - Les Planètes JumellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant